Avoir 

un

esprit 

au 

bord 

du 

monde

 

 

 

 

 

Petite mise en bouche

 

 

Je souhaite écrire un livre qui soit un condensé de vie,

tellement dense et intense

qu'il allume la flamme vive en toi, qu'il réveille ta soif...

 

Par ce livre, je te dévoile mes abysses.

C'est le témoignage d'un possible que je vis et qui m'éblouit.

C'est ma vérité que je te livre sans voile,

peut-être qu'elle résonnera en toi, peut-être pas, peut-être un jour...

Ça ne m'appartient pas.

L'important est de se donner.

 

Alors je m'offre dans l'espoir de semer les graines d'un autre possible,

une invitation à la possibilité que la vie ça peut être ça :

une mise en marche vers le Sublime.

Le chemin est propre à chacun.e,

il t'appartient...

 

Puisses-tu être réceptif à ce feu...

Puisses-tu connaître la soif qui y mène...

 

 

 

 

 

 

Ce livre est devenu une évidence

après avoir vu cet homme que j'ai vu grandir,

avec qui j'ai joué toute mon enfance.

Et qui, pour moi, était resté cet être innocent qu'est un enfant.

Aujourd'hui, il est éleveur comme son père.

 

Un beau matin,

je l'ai vu attraper une brebis avec une telle brutalité,

une telle hargne, une telle inhumanité.

Ça m'a troué le cœur.

Incompréhension totale !

 

Ces brebis lui donnent tout jusqu'à leur vie.

Et en retour pas une once de respect, de gratitude, d'amour

pour la vie qu'il tient entre ses mains...

Juste la mécanique implacable du faire qui nous coupe du vivant.

Comment avons-nous pu accepter de nous laisser déshumaniser à ce point ?

De nous couper de la vie ?

 

À quoi bon vivre si c'est pour être mort ?

 

C'est un appel à l'être qui est en chacun.e de nous.

Un appel à nous redresser,

à nous verticaliser.

Une prière du cœur qui souhaite plus que tout

que l'humanité se réveille,

se révèle à elle-même,

s'humanise...

 

Nous avons tout en nous.

Pourquoi vouloir posséder ce qui ne nous appartient pas ?

Pourquoi vouloir ce que nous n'avons pas

alors que nous ne jouissons pas de ce que nous avons ?

Nous avons le plus beau des trésors :

la vie.

La vie est là en nous pulsante, vivifiante, enivrante.

Notre essentiel est là dans cette perle de pureté.

Retrouvons cet essentiel.

C'est vital pour la terre, pour la vie, pour l'humanité, pour ce que tu es...

 

 

 

Une petite précision

 

 

 

Le « nous » est venu comme une évidence.

Lors de partages de ce texte, 

Certain.es ont été heurté.es d’être inclus.es dans ce « nous » 

sans leurs consentements.

Alors je précise 

pour que, peut-être, tu puisses être accueillant.e envers ce « nous » .

 

C’est un nous amour

Un nous union

Un nous fraternité

Un nous humanité

C’est un cadeau vital qui nous relie 

et nous unit dans une même évolution.

C’est un nous qui côtoie l’universalité.

 

Nous sommes tous.tes crée.es avec la même terressence 

et ce « nous » n’est possible que par l’existence de tous nos « je » unique.

 

 

 

 

 

 

                                                La Beauté est en nous

 

 

La Beauté est en nous

offerte comme un présent d'éternité.

Elle git sous nos couches de voiles, d'illusions, de peurs, de frustrations...

La liste est longue de ce qui entrave nos cœurs

et le chemin est escarpé pour y accéder.

Mais quelle merveille !

Que de joie quand d'un coup la vie frémit dans nos ventres.

Quand d'un coup nous sentons son souffle dans nos voilures

qui nous pousse avec tout son amour,

toujours un peu plus près d'elle.

 

« Puisse ce jour me rapprocher un peu plus de Toi »

Prière du cœur à la Vie.

Appel conscient de l'être à s'éveiller.

 

Nous sommes glaises entre Ses mains,

alors laissons-nous façonner.

Laissons-nous aimer par cette force douce et puissante

qui nous soutient depuis le premier jour et ce jusqu'au dernier.

Force de feu qui pulse, palpite et frémit,

qui nous taquine, nous enivre et nous chagrine.

 

Nous avons juste à lui ouvrir la porte

car elle est là à l'orée de nos cœurs 

et, patiemment, attend cette communion ultime

où l'être prend conscience de sa présence,

de cet amour incommensurable et lui dit « oui » enfin !

Comme une révolution,

Comme une renaissance.

 

Oui, 

nous sommes au service de la Vie.

Sans elle, nous ne sommes rien !

Sans la terre, nous ne sommes rien !

Sans tous les êtres qui la peuplent, nous ne sommes rien !

Vérité implacable, fondamentale.

 

 

 

Osons révolutionner nos vies !

Osons sortir de l'esclavage du pouvoir, de l'argent, de ce pseudo confort

qui ne fait que nous éloigner un peu plus de nous-mêmes.

Reprenons notre dignité d'humain en main !

Notre puissance est dans ce feu ardent et vital qui nous habite,

dans cette flamme d'amour qui exalte et enivre !

Et non dans la domination sur autrui.

Osons l'ivresse de vivre !

Osons dire « Oui » à la vie

et non à cette société qui nous esclavagise.

 

Nous sommes les créateur.rices de notre enfer comme de notre paradis.

L'enfer, c'est cette séparation

que nous créons envers notre prochain, envers la vie, envers nous-mêmes.

Cette blessure nous l'avons tous.tes et nous pouvons tous.tes en guérir.

C'est notre force de transformation.

Ce feu peut brûler toutes les scories.

Alors osons les lui offrir.

Osons transmuter notre abime en abysse.

Sortir des ténèbres de l'isolement pour entrer dans l'océan de Vie.

 

 

 

Boire à la source 

la perle de rosée 

à la saveur de l'Aimé

 

 

Breuvage d'immortalité qui s'inscrit dans l'instant.

Instant offert et précieux.

Instant savoureux.

Cet instant que nous pouvons vivre en nous rendant disponible à lui.

Ouvrir cet espace en nous,

l'espace de tous les possibles.

Espace où nous sommes prêts à accueillir

et à vivre ce qui s'offre à nous.

Espace d'où nous pouvons dire « Oui »

par tous les pores de notre peau à ce qui est là.

Tous les sens aux aguets,

à l'affût de « Que me réserve la vie en cet instant ? »

Alignement dans l'ouverture de l'être à la vie.

 

Cette ouverture part d'un appel.

Appel du cœur à l'Immense, à l'Indicible.

Nostalgie d'une communion connue puis oubliée.

Mais il en reste des traces en chacun.e de nous

et ces perles vont être nos appuis pour nous redresser

car par elles nous savons que nous sommes plus que ce que nous croyons.

Que nous avons quelque chose à offrir à ce monde :

Lumière, Amour, Présence....

 

Nos vies sont des tremplins pour nos âmes.

Tremplins vers l'Ultime, vers l'intime,

vers l'infime qui se veut cosmos.

Nous avons la vastitude du monde en nous.

Ouvrons-nous à ce possible :

 

« Je porte l'univers en moi »

 

 Ça ouvre grand, non ?

Quelle joie que d'être habitée par un champ d'étoiles !

 

 

 

 

Nous cheminons main dans la main 

avec la vie

 

 

 

La vie nous offre des expériences

à la hauteur de ce que nous sommes capables de vivre.

Elle est en adéquation totale avec ce que nous sommes.

C'est un mystère incroyable !

C'est un enchantement !

Nous avons la force de vivre et de dépasser

tout ce qui nous est proposé.

C'est comme un arc,

plus nous tendrons la corde plus la flèche partira loin.

Et ce moment où nous tendons la corde est inévitable même s'il y a souffrance.

 Et nous ne pouvons pas la tendre plus que ce que notre force nous le permet...

 

Toute la vie se met en branle pour notre évolution,

pour notre révolution intérieure.

Nous ne sommes pas seul.es à cheminer.

Ça amène une confiance et une foi en la vie, en notre force.

Abandonnons-nous à elle.

Accueillons ce que nous avons à vivre le meilleur comme le pire.

Vivons-le pleinement.

 Nous en sortirons grandis.

Même si sur le moment ça semble être une montagne vertigineuse.

Quelle joie lorsque nous découvrons le sommet !

Car nous l'avons fait.

À chaque fois la montagne sera plus haute

mais notre force et notre confiance aussi !

Que de paysages parcourus,

de découvertes sur soi-même,

de dépassements de soi.

Notre chemin est là dans cette quête de nous-mêmes à travers la vie.

 

C'est une résonance de ce que nous sommes avec ce qui nous entoure.

Nous attirons à nous ce que nous avons à vivre

pour nous permettre de nous libérer.

Nous créons notre réalité la pire comme la meilleure. 

La vie a pleinement conscience de ce que nous portons inconsciemment

et qui conditionne et influence notre réalité.

Notre être profond en a aussi conscience.

Quand nous sommes prêt.es à le dépasser,

c'est comme si elle activait l'expérience propice

pour nous permettre de prendre conscience

de cette part de nous-mêmes qui demande à grandir.

Et selon comment nous vivons cette expérience,

ça nous libère

ou accentue la problématique si nous nous braquons

ou retournons dans nos vieux schémas.

En cela nous initions ou inhibons notre propre transformation.

 

                                                                         Plus nous acceptons ce chemin d'évolution moins nous avons à lutter.

                                                                                                          Et sans lutte, il n'y a pas de coup…

 

Réjouissons-nous de ce miracle d'intelligence et de sagesse qu'est la vie !

C'est une complicité fondamentale.

Nous sommes un même élan vers l'Ultime.

Nous y cheminons main dans la main.

 

 

 

Être avec

 

 

Nous sommes immergé.es dans les flots de la vie.

C'est une rivière parfois impétueuse,

parfois presque stagnante,

jamais à sec.

Nous y avons trois possibilités.

Nous acharner à vouloir remonter le courant.

Nous laisser emporter par lui.

Ou nous pouvons nager avec elle dans le sens du courant.

 

Être avec.

 

Alchimie parfaite où nos deux forces s'unissent,

convergent et se déploient dans la même direction.

 

 Être avec, sans s'imposer.

 

Nous accompagnons le mouvement

qui est devenu évident autant pour nous que pour la vie.

Nous sommes pleinement présent.es et conscient.es

de ce qui se joue, de ce qui veut se déployer.

Nous l'acceptons et nous y allons simplement.

 

L'intuition est le lien.

Elle est murmure inspirée par la vie

qui nous souffle les solutions, les possibles.

La complicité se renforce,

devient palpable dans notre chair.

Les évidences émergent comme des perles de lumière pure.

Un tissage aux mailles serrées se crée.

Il n'y a plus de différenciation entre elle et nous.

 

Le calice devient nectar de vie.

 

                                                                                                          Nous prenons part à l'avancée.

 L'alchimie du non-faire.

L'absence de volonté propre.

L'action devient évidence donc fluide, naturelle.

Aucune force de volonté n'est requise.

Ça se fait avec nous, par nous et au-delà de nous.

Nous devenons les mains agissantes de la vie.

 

La force de vie a une saveur complètement différente de notre volonté.

Elle est beaucoup plus vaste, plus vivifiante.

Elle est faite d'évidence.

Elle réveille chaque cellule de notre corps qui pétille,

qui s'exalte de ce feu.

Devenons réceptifs à son souffle.

Déployons notre écoute à ses murmures.

 

Ne soyons ni passif, ni actif face à la vie.

Soyons avec.

Soyons unis à elle.

Un même élan.

Une même destination.

Un accomplissement.

 

 

Oser côtoyer l'ombre

 

 

Notre ombre, notre antre...

Elle est un appel à la transformation.

C'est elle qui va nous mettre en branle.

Lorsque nous n'accepterons plus notre propre asservissement

par nos limitations, nos peurs, nos blessures, nos souffrances...

Auxquelles nous tenons bizarrement,

auxquelles nous nous identifions,

auxquelles nous nous accrochons

comme à une bouée lors d'un naufrage.

Laissons-nous couler...

 

Je m'étais emmurée moi-même avant même ma naissance.

Mon espace connu était un lieu vide et noir.

Mais au fond de moi, il y avait cette lumière que je suis venue offrir.

C'est parce que j'étais dans cette obscurité

que j'ai cherché désespérément cette lumière.

Je n'avais pas le choix sinon celui de rester dans les ténèbres, dans l'isolement.

J'étais tendue vers elle

comme une affamée face à la seule nourriture qui peut la rassasier.

Elle m'était irrésistible.

Même si au début, je ne la percevais plus

et que j'ai mis très longtemps avant de commencer à la sentir de nouveau, 

à la reconnaître.

Une part de moi savait

et ça m'a permis de tenir dans ce monde

que je ne comprenais pas, auquel je n'appartenais pas.

 

Cette lumière est notre terre promise.

Notre aboutissement.

Notre  accomplissement.

En pleine lumière, je ne l'aurais pas cherchée.

Elle ne m'aurait pas été vitale.

Et d'ailleurs, comment voir une lumière en plein jour ?

Où la trouver ?

Nous avons tous.tes cette lumière en nous.

Elle est au cœur de notre ombre.

Laissons-la rayonner...

Nous mettons un couvercle sur cet espace

comme pour le faire disparaître. 

Il est plus ou moins scellé selon ce qui se cache derrière.

Des ramifications en émergent comme des appels à l’aide, 

des petites choses anodines en apparence : 

des réactions, des évitements, des manières de faire limitantes, des peurs... 

Qui, si nous creusons, nous mènerons à ces parties blessées de nous-mêmes.

Mais nous préférons lutter pour ne pas l'approcher,

pour ne pas y sombrer...

On ne peut pas y sombrer :

c'est dans le fond que se cache la lumière.

Il y aura forcément une remontée

car la vie est mouvement. 

Elle est respiration.

Elle nous abreuve en toutes circonstances.

 À nous de boire...

                                                            

C'est à chacun.e de faire sa traversée du désert,

à son rythme, en son temps

mais allons-y !

Car ça réveille notre soif,

la soif de vivre,

la soif de quelque chose de plus grand

qui nous dépasse,

la soif de cet amour originel.

Source intarissable, magnifique.

 

Ça demande d'avoir soif, d'être dans le noir

pour chercher la source de lumière qui est en nous.

Sortons de ce confort superficiel qui nous anesthésie.

Affrontons l'aride, le vide et le silence.

Osons chercher dans notre boue la graine de lotus

et déployons-la.

Nous portons cette perle en nous.

Partons à sa quête

et découvrons quel joyau nous renfermons !

 

La descente est progressive

comme une spirale qui s'expanse

et plonge à chaque fois un peu plus profond.

Et entre deux descentes : l'oasis !

La vie nous irrigue un peu plus

et irradie dans ce nouvel espace exploré.

Ainsi, nous nous rencontrons, 

nous découvrons des parties de nous oubliées,

 traumatisées et qui pour guérir demande à être vues, à être entendues.

Être le témoin de ce qui se joue en nous et non l'acteur.

Descendre à leurs rencontres, les voir, les écouter

et s'en détacher comme d'un vieux manteau,

les laisser s'écouler comme un ruisseau.

Ça les libère et ça nous libère.

Nous vivifie.

 

Nous ne sommes ni les victimes ni les gardien.nes de nos blessures.

Alors laissons-les guérir,

laissons-les se transformer en vie,

sinon nous nous complaisons en elles.

C’est un espace connu, sécurisant.

Et pour éviter qu'elles saignent à nouveau

nous avons créé des protections.

Chacun sa technique.

 

Pour moi, c'était la fermeture.

Coupure totale.

Plus d'extérieur,

plus d'intérieur,

plus de vie...

Un abîme d'isolement.

Ma propre prison, dans laquelle je m'enfermais moi-même.

Et donc forcément l'unique personne à avoir la clef.

Mais cette clef, on l'oublie, on la rejette car c'est une prison refuge.

Un espace de sécurité surprotégé où je me sentais inatteignable.

L'anéantissement de soi était dans le fond.

Implacable de destruction.

Trou béant creusé à même le cœur....

 Ça secoue de voir ça en soi.

Mais ça a donné corps aux murs de cette prison.

Ses ramifications me sont devenues visibles

donc atteignables, transformables.

Les parois sont devenus poreuses, perméables à la matière,

à ce monde qui m'avait rejeté et que j'avais rejeté en retour et moi avec !

Et la matière a traversé cette cloison et la lutte a cessé.

Je n'avais plus rien à protéger.

Alors la vie a pu s'immiscer, déployer le cœur, la joie.

L'abîme est devenu abysse...

 

 

Je ne m'en suis pas rendue compte tout de suite.

Jusqu'à ce que ce poème me vienne :

 

 

Silence de l'immortel

à l'écoute de l'indicible.

Des poussières d'étoiles se déposent

dans les abysses de l'être

et y fécondent la renaissance promise.

 

 

Avant, c'était toujours le mot « abîme » qui venait...

Alors je suis allée voir.

Et là, quelle merveille de découvrir

à la place d'un gouffre sombre et froid,

un océan de vie qui palpite et d'une beauté bouleversante !

 

Alors oui, la mutation est possible !

Transformons notre plomb en or tel des alchimistes de nous-mêmes.

 

 

 

 

Réinventer le monde

 

 

Comment pouvons-nous accepter une société

qui nous domine, qui nous lamine

à tel point que nous ne sommes plus capables

de reconnaître notre propre beauté ?

 

Cette société est le reflet de là où nous en sommes.

Ça fait peur, non ?

 

Est-ce que nous voulons continuer à cautionner

la domination, le pouvoir, la compétition,

l'exploitation de la terre et des êtres,

la guerre, la famine, l'indifférence

et toutes les autres aberrations que nous avons créés ?

Et nous osons appeler ça une civilisation évoluée !?

Nous la favorisons en ne nous remettant pas en question,

en ne remettant pas ce système en question.

 

Aujourd'hui,

 nous pouvons décider que cette société ne nous correspond plus.

Nous pouvons créer un autre possible ensemble.

Un monde où la vie,

dans toute sa richesse et diversité,

est honorée, est respectée.

 

À quoi aspirons-nous au fond de nous ?

Que souhaitons-nous transformer,

voir évoluer en nous et autour de nous ?

Et agissons dès maintenant !

Arrêtons de remettre ça à plus tard.

De reléguer ça aux générations futures.

Nous sommes cette génération.

C'est à nous de relever nos manches.

 

Libérons notre imagination !

Réinventons le monde !

Réenchantons-le ! 

C'est à chacun.e d'entre nous d'apporter sa goutte d'eau,

                                                                                                    de se prendre en main, de se redresser.

Dans quel monde souhaitons-nous vivre ?

 Et osons le vivre.

Osons y croire !

Croire dans le fait que nous pouvons changer le monde

en se changeant soi-même.

 

Imagine un monde

où chaque être humain a la possibilité de se déployer,

d'œuvrer là où iel se sent à sa place,

là où iel s'épanouit.

Un monde où nous ne serions plus en survie,

où nous ne serions plus les esclaves d'une société qui nous piétine.

Un monde où la vie primerait sur tout le reste.

Un monde où chaque être humain servirait la vie et l'harmonie de l'ensemble...

Ça donne envie, non ?

 

Arrêtons de subir cette dictature

qui nous prive du droit même de vivre, de respirer, de se côtoyer.

                                                                                           Alors oui, prenons le risque de vivre, de se toucher,

de se regarder, de se rencontrer, de se dévoiler les un.es aux autres.

C'est un miracle d'être aussi nombreux.ses et d'être tous.tes uniques.

Soyons curieux.ses de l'autre, de ce qui l'habite, de ce qui l'anime.

Ouvrons-nous à l'univers qu'est chaque être, à son unicité.

Nous sommes une telle diversité.

Pourquoi avoir peur de ce qui ne nous ressemble pas ?

Au contraire, ça devrait éveiller notre curiosité,

attiser notre gourmandise de l'autre.

 

En accueillant et en reconnaissant

la multitude de facettes qu'il y a en nous,

nous ouvrons la porte à la soi-disant « différence » de notre prochain.

Arrêtons de nous leurrer sur nous-mêmes

et permettons à chacun.e d'être ce qui l'est,

en nous permettant d'être ce que nous sommes.

Libérons-nous de nos propres chaînes,

de nos illusions et de nos peurs !

Et vivons !

 

 

 

Exubérance de vivre 

 

Déploie mes ailes

jusqu'au firmament d'azur et d'or

Élève-moi jusqu'au cœur même du soleil 

 

Et que mes ailes y brûlent 

Et que mon cœur s'y consume 

 

Et que je sois 

Toi 

Ô soleil de mes nuits 

 

 

 

Écouter le cœur

 

 

Le cœur est notre guide.

Compagnon de route qui reflète à la perfection

                                                                                                                      ce qui nous habite.

 Écoutons ce qui l'ouvre, ce qui l'anime, ce qui le met en joie.

Ainsi, il nous montre la voie.

                                                                                    L'éclosion de ce que nous sommes est au bout du chemin :

la vastitude d'un cœur ouvert.

 

Sur le chemin nous nous élaguons,

nous déposons le superflu

pour retrouver l'essentiel,

notre essentiel.

Nous nous dévoilons à nous-mêmes.

Et plus nous nous dénudons

plus nous percevons l'Indicible à travers le cœur

comme un miroir qui deviendrait translucide à lui-même.

Alors, tout notre être se tourne vers Lui et L'appelle.

Présage d'éternité.

Et Il répond

parce qu'Il n'attend que ça depuis la nuit des temps :

que nous nous ouvrions à Lui.

Évidence de la vie qui se reconnaît elle-même,

qui naît à elle-même.

 

Le cœur devient pur miroir limpide de cette vastitude.

Le cosmos le remplit.

L'amour déborde

et s'échappe par tous les pores de notre peau.

 

J'aime ces deux vers d'Hallaj qui parle de ça en toute simplicité :

 

 

Mon cœur a des yeux qui Te regardent

et tout entier il est entre Tes mains.

 

 

Magnifique de pureté !

Une gourmandise à déguster sans fin...

 

Un cœur grand ouvert ne nous appartient plus.

Ça nous dépasse.

C'est le mystère de l'Immense qui se fait infime.

Comme c'est bon de sentir qu'il n'y a plus de séparation

et que ça peut se déployer à l'infini !

Que c'est vaste, immensément vaste !

Et beau !

Et pur !

Et simple !

 

En nous effaçant, nous Lui laissons la place

et nous trouvons notre place.

Réceptacle de l'Indicible incarné dans la matière.

Comme un écho à Sa grandeur.

Comme un écho à Sa beauté.

Son reflet.

Merveille des merveilles !

 

 

 

 Savourer le monde

 

 

Il n'y a pas d'extraordinaire.

Ne le cherchons pas.

Tout se joue dans ces petites choses de notre vie de tous les jours,

dans ces infimes qui ont la beauté et

la force de l'Incommensurable.

 

 

« Dis-moi grand-père, comment est la vie pour toi ?

Elle est paisible car j'apprécie l'infime. »

 

 

Réponse d'un arbre vénérable.

Réponse qui dit tout, qui contient tout.

 Tout est là sous nos yeux, en nous...

Ne cherchons pas plus loin.

 

Reconnaissons l'extraordinaire d'une source qui s'écoule,

d'un nuage qui passe,

de la caresse du vent,

des couleurs de ce monde...

Transformons nos sens en portes ouvertes vers le Sublime,

cet infime que nous côtoyons dans notre quotidien sans le percevoir.

Laissons-nous sublimer par le « banal », par le « normal »

et bannissons ses mots qui nous coupent du miracle d'être en vie.

Il n'y a pas de banal.

Il n'y a pas de normal.

Il y a juste l'aveuglement à la beauté qui nous entoure, qui nous habite.

Ouvrons nos cœurs à cette infinie diversité.

 

Nous habitons la plus magnifique œuvre d'art qui soit.

Nous sommes, à chaque instant, dans une peinture vivante,

sublime de finesse, d'intelligence, en constante mutation.

Nous vivons dans un concerto

où le silence se fait vie, où la vie se fait chant.

Pure exaltation des sens !

 

 

 

Recevons le monde en nous.

Accueillons-le plutôt que de vouloir le prendre, le dominer.

Ne soyons plus des conquérant.es.

Soyons amoureux.ses de ce monde.

Savourons-le par chaque cellule de notre corps.

En nous ouvrant,

nous permettons à la vie sous toutes ces formes de venir à nous.

C'est un éblouissement !

Quelle merveille que de pleurer devant la beauté d'une pomme !

Par un oiseau qui d'un coup est là

dans toute sa fraicheur, dans toute sa beauté.

Puretés simples et sans détour de la vie

 qui peuvent transformer chaque instant en fête,

en célébration du vivant,

en réjouissance pour les sens.

 

Sortons du faire,

de cette course sans fin après le temps,

après l'argent, après on ne sait quoi.

Nous nous perdons dans cette fuite en avant.

Nous nous oublions dans cet après vide de sens

et qui pourtant prend toute la place, tout l'espace en nous.

Habitons l'ici et le maintenant.

Retrouvons l'être, ce que veut dire « être ».

 

Présence

Ouverture 

Amour...

 

 Goûtons à cette sensation où d'un coup tout s'arrête.

Il n'y a plus nulle part où aller.

Juste être là...

Pleinement

Simplement

 

 

 

 

Regarder les méandres de l'eau

jouer avec le feu

                                                                                                     Savourer les virevoltes espiègles du vent

danser dans nos ramures

Sentir le bruissement sauvage de la pierre

nous murmurer les secrets de ce monde

Écouter une fleur éclore

sous les rayons de lune

Goûter la vie s'enflammer

dans le mystère de nos ventres

Découvrir qu’un sourire illumine les regards

de l'innocence des étoiles

S'enivrer de la joie d'être en vie

 

 

 

La création comme état d’être

 

 

Qu’est-ce qui n’est pas création ?

Qu’est-ce qui n’est pas imprégné du souffle de vie ?

 

En créant,

nous honorons le joyau déposé en nous.

Nous révélons la flamme vive qui nous habite.

Ce feu ardent est notre étincelle de vie,

notre trésor.

 

Chacun sa voie d’expression.

 

La chercher

c’est se mettre en quête de soi-même.

La trouver

c’est se révéler.

Ça nous déploie de l’intérieur

comme une évidence qui prend son envol.

La nourrir et la cultiver

c’est honorer la grâce qui nous a été offerte à la naissance.

L’offrir au monde

c’est se donner.

C’est aimer puissamment chaque parcelle de vie.

C’est un retour à soi qui est une renaissance.

L’enfantement de ce que nous sommes.

La graine en germance éclot

et offre son parfum, son unicité.

 

Être création à chaque instant de sa vie.

Une présence totale à ce qui veut se réaliser à travers nous.

Entrer dans la danse de vie

et créer avec elle notre vie, notre être.

Se laisser surprendre par là où ça nous mène.

Découvrir l’expression de la vie à travers nous

avec humilité, respect, gratitude pour le joyau de vie que nous sommes.

 

Nous sommes à son service.

C’est un tout de complétude.

Nous venons au monde riche d’une multitude de potentialités.

La vie nous irrigue

pour nous permettre de découvrir ces dons,

de les déployer et enfin de les offrir.

Ainsi, nous irriguons la vie à notre tour.

Une danse alchimique se crée.

Chaque création est une naissance

qui entraine une mort.

C’est la mise en danger de tout ce que l’on croit être

au service de ce que nous sommes.

Ouvrir des nouveaux espaces en dedans

pour que jaillissent de nouveaux possibles.

C’est un état d’être qui se vit d’instant en instant.

Une disponibilité totale à la vie en devenir.

 

C’est le grand saut,

celui qui nous plonge dans l’inconnu…

Vastitude qui se déploie.

Force pure qui s'offre.

Son immensité nous dépasse.

C'est un mystère et c'est merveilleux ainsi.

Ça réveille la gourmandise de la découverte,

du « jusqu'où ça se déploie ? »

 

La disponibilité à toutes les éventualités.

Osons regarder cette immensité.

Osons sortir notre regard du connu.

Ouvrir toutes les portes en nous.

Être prêt.e à tout accueillir.

Plongeons au cœur même de la vie,

au cœur de nous-mêmes.

Ce sont de grandes retrouvailles !

Réjouissons-nous!

C'est au grand banquet de la vie

auquel nous sommes convié.es.

Ça ne se refuse pas...

 Ça se célèbre !

 

 

Ouvrir notre cœur

 

 

Ouvrons les vannes de notre cœur à un possible qui nous dépasse.

Laissons-nous être dépassé.es, débordé.es, emporté.es par les flots de la Vie.

Redonnons-Lui les rênes de notre vie

et laissons-La être vent dans notre voilure.

C'est une telle libération !

Elle est notre Complice, notre Amante,

notre Souffle, notre Océan et notre Embarcation.

 

Me voici glaise entre Tes mains

Te voici souffle dans mes voilures

Naissance d'une complicité

 Connivence d'éternité

 

Osons-nous effacer pour mieux L'accueillir,

Lui laisser la place qui est Sienne.

Nous sommes infimes face à l'Immensité.

Soyons humbles devant tant de majesté.

Laissons-nous imprégner, façonner, malaxer, pétrir par Elle.

Elle le fait avec un tel amour, une telle présence

que c'est pure joie que de se sentir glaise entre Ses mains.

 

La pensée s'éclaire, devient limpide,

révélatrice de ce qui se cache sous les voiles.

Le corps est vitalisé, irrigué d'une source de vie 

qui semble immuable, inépuisable et qui l'est !

L'esprit se déploie dans cet espace qui s'ouvre

et qui côtoie l'Immense.

 

Je suis le miroir de l'Indicible,

Son reflet dans la matière.

 

Immensité incarnée dans l'infime d'un corps qui se fait vaste, démesuré.

Miracle de la vie.

Grandeur féconde de joie.

Notre cœur en est le temple, autel céleste uni à la Terre.

Nos prières en sont la force créatrice.

Le verbe peut changer le monde en nous transformant en un réceptacle de vie. Ouvrons grand !

Ouvrons vaste !

Laissons entrer la Vie en nous.

Laissons s'infiltrer l'Amour en nous

et laissons notre être fleurir de lui-même.

 

La Vie est un miracle de sagesse, de finesse, de délicatesse

quand nous nous laissons imprégner, façonner.

Car Elle n'a plus à se battre pour nous mener à destination

et nous n'avons plus à nous débattre

 en adulte récalcitrant qui veut aller là où il veut.

 

La Vie sait, je ne sais rien.

 

Elle est coulée abreuvante, régénérante.

Elle étanche ma soif.

Elle élève mon être à Sa grandeur.

Plus nous nous laissons faire,

plus nous acceptons de suivre le courant,

plus elle peut nous imprégner, nous initier, nous transformer

et nous élever chaque jour un peu plus proche d'Elle

jusqu'à la communion ultime,

jusqu'à brûler vif.ve.

 

Que tout ce que je crois être brûle

et laisse la place à Son feu.

Brûlons du feu de la vie !

Brûlons du feu de l'Amour !

C'est un feu de joie !

Merveille du cœur et de l'instant.

Don total de soi.

Offrande de l'infime à l'Infini.

Offrande de l'Infini à l'infime.

 

Entrons dans le cycle du donner et du recevoir.

Circulation de la Vie au service de la Vie.

Déploiement de la Vie par Elle-même et pour Elle-même.

Nous ne sommes rien de plus et rien de moins que Son réceptacle sur Terre.

Lieu de rencontre et d'union

entre ces deux forces d'Amour :

la Terre et le Ciel.

 

Nous sommes le liant, le lien, la passerelle

entre ces deux forces qui ne sont qu'une en nous.

Alchimie de la croix,

de la verticalité en harmonie avec l'horizontalité.

Équilibre subtil et fragile.

Harmonie indispensable pour l'élévation de l'être.

La matière se fait horizontale.

Redressons-nous dans notre verticalité

et permettons à cette alchimie de se réaliser.

C'est ce que nous sommes dans notre fondamental.

Ouvrons-nous à ce possible, à ce miracle :

d'être la Vie incarné sur Terre.

C'est un émerveillement de chaque instant.

La joie pure d'être en vie

et de la sentir en soi, vaste et pleine d'Amour.

Compagne d'éternité

d'où l'isolement, la séparation peuvent se dissoudre,

deviennent illusion...

 

 

 

Aimer

 

 

Être de feu.

Consumons-nous d'amour pour Toi !

Ouvrons grand le cœur et aimons.

D'un amour dénué de toutes les connotations que nous mettons derrière ce mot.

D'un amour étincelle qui enflamme, qui embrase, qui abreuve.

D'un amour qui se donne et qui reçoit.

L'amour de la vie pour la vie

à travers nous et au-delà de nous.

Un amour vaste, démesuré

qui englobe tout

de la brindille aux étoiles,

de ce que nous sommes au cosmos.

 

Aimons 

simplement parce que nous sommes fait.es pour ça.

                                                                                              D’un amour tellement vaste qu'il nous dépasse,

tellement simple qu'il nous épure de tout le superflu.

Il va droit d'un cœur à un autre.

Il vient du fond des âges pour nous nourrir d'évidence.

Nous déborder de vie.

Nous emporter dans ce flôt où tout s'écoule et se crée.

Terre promise d'une consécration de l'être au service de la vie.

Déploiement de soi au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer.

Un cœur ouvert

Un cœur offert

Un cœur frais, vivifié

Un cœur cosmos

 

Aimer c'est se donner comme une évidence.

Un présent d'éternité de l'être à la vie ou de la vie à l'être...

On ne peut pas le forcer, ni même le canaliser.

C'est un tsunami doux et puissant qui nous submerge et nous déploie.

Un cadeau de l’Infini à l'infime

qui en devient le réceptacle,

qui en devient la source.

 

 

Don de soi

Don d'amour

Une coulée de lave 

féconde

une pluie d'étincelles

et sème l'éternité dans nos cœurs

 

Floraison sublime, subtile

de l'être qui ne cherche plus car il s'est trouvé.

Alors, il s'offre parce que c'est dans sa nature

et que la vie le souhaite.

                                                                          

Oui, tout nous pousse à cette floraison intérieure.

Alors fleurissons

et offrons notre parfum à ce monde.

Comme un présent de vie.

Comme un souffle libérateur de nous-mêmes.

 

C'est une libération que de ne plus s'identifier à ce que l'on croit être

pour sentir à la place le déploiement de la vie, sa pétillance.

Ça ouvre grand.

Démesure de l'Eternel qui se dissout dans l'infime

et l'infime devient démesure.

 

Océan de vie.

Océan de feu.

Force pure, originelle.

Excessivement bonne !

C'est une merveille indicible.

Ouvrons-nous à ce possible :

 

Être un océan d'amour

 

Nous pouvons être un océan d'amour

 

 

 

 

As-tu perçu la vibration, la puissance du « nous » ?

Et si l'humanité devenait un « nous »...

 

 

 

 

 

Mon histoire tissée d’ombre et de lumière

 

               

 

Je me sens humaine. 

Profondément humaine. 

Par ce chemin fait d’extrêmes qui serpente entre la lumière et l’ombre à la recherche de la lune qui les rassemble et les unit dans un cycle impérieux, vital et immuable.

 

Je suis femme aussi. 

Reliée d’autant plus profondément à ce cycle qu’il nous imprègne jusque dans notre chair la plus intime.

 

Je suis une petite flamme vive venue offrir sa lumière à ce monde. Je viens apprivoiser ce petit corps qui grandit dans le ventre de ma mère. 

Et puis, c’est l’exil. 

Ma mère apprend que je suis une fille. Elle ne comprend pas pourquoi mais c’est là prégnant, inévitable: elle voulait un garçon ou plutôt je dirais qu’elle ne voulait pas d’une fille.

Alors, elle se coupe de cet être qui pousse dans son ventre. 

Je me replie. 

Je m’exile. 

Je ne comprends pas ce rejet. 

Un mois avant ma naissance, elle fait un très beau rêve: 

un champ de tournesols avec au cœur un bébé, une salamandre lui mordille le gros orteil…

Ses mains redécouvrent son ventre, la vie qui l’imprègne. Je la rejette en bloc et avec je rejette la vie, l’amour. Je me rejette. Je deviens huitre hermétique qui protège précieusement sa perle. Je me retrouve dans un no man’s land intérieur où je ne suis ni vraiment dedans ni vraiment dehors. Je suis dans un ailleurs, en errance entre deux mondes : un abime d’isolement à l’intérieur et la folie de ce que je perçois de l’extérieur. Une insécurité profonde m’habite en présence de ma mère dont je me protège. Mon système de défense est bien au point. A part qu’il m’isole de plus en plus à l’intérieur entrainant des difficultés de langage et de sociabilisation. 

Je suis une enfant du silence. 

Ça a été aussi ma chance d’être sauvage, indomptable. Je n’ai pu rentrer dans aucun moule. Je me suis façonnée seule…

Je me cache dans l’espoir que mes parents me cherchent. Je ne discerne pas l’amour qu’ils m’offrent. J’ai peu de souvenirs de mon enfance. Je crois que je n’étais pas vraiment là. 

La création déjà s’immisce comme une évidence, m’offre un appui pour rentrer en contact avec le monde. La nature aussi, où je m’échappe seule pendant des heures quand nous venons dans la maison de famille sur le Vercors. 

Ma scolarité est une calamité, je ne suis pas adaptée à ce système scolaire qui m’inhibe encore plus. Je donne pourtant mon maximum mais ne récolte pas grand-chose. Ça aura été des années laborieuses qui me laissent la saveur d’être passée à côté de ce qui est précieux.

A l’adolescence, une grande colère m’habite. Je me perds devant la télé. Je ne trouve pas de sens à cette vie, à cette société. Je tente de me suicider : un couteau démesuré posé sur mon cœur. Le bruit de la porte du garage. Non, je ne veux pas que mon père me trouve ainsi. J’arrête mon geste. C’était les voisins. La vie a ses astuces… Ce choix pour la vie me redresse un tant soit peu. La création m’aide, prend plus de place.

 

 

La neige tombe sur mes paupières closes

Je ne trouve plus l’issue 

où murmurent les étoiles

J’oublie que mon cœur bat au rythme du cosmos

 

Seule 

et silencieuse 

je me cache 

de ce monde 

recluse

 

Les échos lointains d’un souffle

Les vestiges d’une nostalgie

La nuit a dévoré la lune 

mais son chant résonne encore 

dans cet espace d’ombre 

où le silence s’est fait cloison

Je cherche l’échappée

Je fuis le monde du dehors

 

Dedans 

il neige

 

Je me craquelle et me fissure sous ce linceul

 

Un souffle 

pénètre 

dedans

Je n’ai plus peur du dehors

 

Il neige 

aussi 

dehors

 

L’été de mes 18 ans, j’assiste à un concert de musique celte et d’un coup, mon corps danse. Mes pieds sont tambours, mes mains violon et flute. La musique virevolte à l’intérieur, me délie, circule, ouvre des chemins inexplorés en dedans. Je m’efface. La musique habite tout l’espace. La voix du corps s’ouvre, me désinhibe. Je danse qu’importe où tant que la musique m’inspire. C’est une danse que je vis de l’intérieur. Je n’ai aucune conscience de ce qui se passe autour. 

Petit à petit, je me force à ouvrir les yeux, à apprivoiser mon corps, à m’unir à lui, à l’accompagner dans son chant. La danse aura été mon entrée sur cette terre. Elle m’imprègne jusqu’au plus profond. Elle commence un tissage de réunification entre l’intérieur et l’extérieur. 

 

 

 

Prendre l’espace 

avec soi 

L’emmener 

en soi 

Le déposer 

Là 

 

Là où ça vit 

Là où ça pulse 

 

Réunifier 

le dedans et le dehors 

dans le même élan 

 

Océan de l’intime 

Souffle de l’infime

 

 

 

Je pars à Montpellier, j’ai besoin d’un deug en art plastique pour entrer dans une école de photographie. Je suis heureuse de consacrer enfin mon temps à la création. Mais l’art conceptuel me désole, je ne résonne pas du tout avec. Je ne ferais que la première année. 

Ensuite, j’alterne entre mon temps à Montpellier où j’explore le théâtre, la danse, la calligraphie chinoise, la musique, la sculpture, les spectacles de rue…

L’écriture aussi surgit, un beau jour, alors que je pédale sur les rails du tram. Je m’arrête au beau milieu pour noter ces quelques mots jaillis du néant et qui parlent de sorcière… J’ai rendu la plupart de ces poèmes à la terre et au vent.

Je passe beaucoup de temps au jardin du Peyrou à contempler la lumière dans les feuillages, les perles de pluie qui courent sur l’eau, les couchers de soleil… 

A rencontrer, aussi, les passagers de cet espace qui se trouve au plus haut de cette ville. Rencontres qui m’ouvrent à la spiritualité, en semant des nouveaux possibles en dedans.

Et des temps où je pars seule sur les routes, le pouce tendu bien haut. Le cœur léger de ne savoir où je vais. Je découvre des lieux dans la nature, des squats, tout un monde alternatif… Je suis friande de tous les savoirs-faires qui croisent mon chemin, de tout ce qui amène à plus d’autonomie. J’ai soif de liberté et d’espace.

 J’aime être vagabonde mais j’aime surtout cette alternance de discipline totale à l’art et d’errance libertine. La vie s’exalte, se déploie même s’il y a quelque chose qui croche dans le fond, qui sonne faux. Je me sens trop en surface de moi-même et en même temps ma profondeur me fait peur. 

J’avance à tâtons vers ma lumière, vers mon ombre. 

Où suis-je dans ce brouillard intérieur ?

 

Et puis je repars, à plusieurs cette fois, pour une marche de plusieurs mois des Pyrénées à Paris. Mon cœur s’éprend. J’ai volé trop haut, trop vite, sans avoir rencontré la terre et ses mystères. 

Je tombe. 

Je me laisse détruire.

Je le laisse m’enfermer dans une cage où s’étiolent les moignons de mes jeunes ailes. Et avec se réveille la dureté du fer dans le faire, qui me coupe du vivant et m’emprisonne dans un déséquilibre constant vers l’avant. Je n’ai pas le temps de poser un pied au sol que le second s’est déjà levé : marche devenue chute. Tout s’enchaine dans ce dehors où le dedans est en apnée. Plus le temps de se déposer, de se retrouver, de s’écouter, inlassablement entrainée dans le mouvement de la roue du faire lancé par sa propre dynamique. Des œillères se posent sur mon regard, m’aveuglant de tout un pan de l’horizon pour une focalisation totale sur l’objectif. Je trace mon sillon à grands coups de sabots implacables, incapable de m’arrêter pour respirer. La vie ainsi s’enfuit, se perd, elle n’a plus l’espace pour prendre consistance. Je n’ai plus l’espace pour être simplement… 

Ma fraicheur, mon insouciance, ma spontanéité à peine retrouvées se fanent avant l’heure. Il me faudra plus de dix ans pour pouvoir commencer à les savourer de nouveau. Ça a été longtemps une grosse incompréhension. L’incompréhension de pourquoi j’avais eu à vivre ça. Aujourd’hui, presque quinze après, je suis heureuse de te remercier d’avoir été le soleil qui m’a brûlé les ailes. D’avoir tenu ce rôle difficile à porter mais qui m’a ramené sur terre, qui m’a permis ce chemin d’incarnation par cycle de plus en plus abrupt pour que je puisse enfin redéployer mes ailes et prendre mon envol avec un corps de chair.

 

A 22 ans, j’achète un lieu, dans le haut diois, avec mon compagnon de l’époque et un ami. Nous serons une dizaine à vivre là. Un rêve d’autonomie et de vivre-ensemble nous rassemble. C’est difficile de trouver l’harmonie dans les rythmes pour œuvrer ensemble. Les paroles restent des mots…

Je découvre le jardin, la traction animale, la fenaison, les limites de l’humain et notre force quand enfin ça converge dans une même dynamique... Je me sens plus éloignée de la nature qu’en ville où elle m’était vitale. 

Là, le vital c’est le faire. 

La création est quasi absente de ma vie à part un peu de calligraphie et la danse dès que c’est possible. Nous habitons un petit nid d’aigle qui tourbillonne dans les rafales de neige. 

Une vie simple, rustique. 

 

Deux ans plus tard, nous quittons le lieu. La cabane se transforme en yourte que nous posons au milieu d’un pré isolé, une vallée plus basse. 

L’été, c’est le temps de l’estive, des brebis, de la montagne, du silence et de la solitude. La contemplation  retrouve un espace où elle a le droit d’être. J’ai aimé pour ça être bergère, pour la marche aussi, pour ce temps hors du temps lorsqu’on s’ajuste au temps de la vie et pour côtoyer les orages le cœur au vent. Aujourd’hui encore quand j’entends les sonnailles, j’ai le cœur en fête, en fête et en paix. 

L’hiver, c’est le temps de l’hibernation pendant lequel je m’abreuve de lecture et de ballade dans la neige.

Malgré tout, je me cherche. 

Il me manque l’essentiel : la création.

 

Alors, je quitte tout : le compagnon, la grange que nous venons d’acheter, le métier de bergère et je pars en voyage pour une durée indéterminée en Asie. Je me laisse porter, je laisse la vie faire son œuvre. De nouveau, je ne sais pas où je vais et j’aime ça, puissamment ! J’y trouve une certaine liberté, un nouveau souffle. 

Après deux mois, j’atterris en Inde. L’Inde implacable ne me loupe pas ! Je tombe malade direct : un coup de froid dans le train qui me mène de Calcutta à Bodhgaya. Toute la richesse humaine de l’Inde est là pour voir le Dalaï-lama. Je l’apprends en arrivant. Je passe des heures à contempler la beauté humaine : la beauté de leurs prières, de leurs regards. 

Je finis très affaiblie. Je me traine jusqu’à un médecin qui me met sous double dose de perfusion. Je regagne suffisamment d’énergie pour prendre le train qui me mènera à Varanasi où je resterai deux mois. Je souhaite apprendre le chant dhrupad. Malgré mon état qui ne s’améliore pas, je suis réveillée aux aurores et je chante. Tous les matins, je pars pour une heure de vélo à travers la ville pour aller à mon cours. J’adore cette folie humaine jetée en vrac dans la circulation qui va en tout sens dans un chaos total. Je me sens comme un poisson dans l’eau dans ce flot impétueux. 

Je tiens, je ne sais pas comment. 

Et puis un brocoli à partager à un étal et je me retrouve à cohabiter avec un israélien. Je me dépose sur ce toit. J’arrête tout. Et je passe un mois à regarder le Gange s’écouler et danser les guêpiers, bercée par le bourdon de la tampura.

La roue du faire s’arrête, enfin ! 

Je redécouvre la saveur de l’être…

 

 

 

A contempler 

les nuages

 j’oublie

le temps 

qui s’espace

 

 

 

De retour en France, un amour est là. Je me lance dans l’artisanat : bijou, cuir, vêtement. Je plonge dans le tai chi chuan. La calligraphie reprend une place dans mon quotidien. 

Au printemps, nous partons avec mon amoureux pour neuf mois de voyage aux  Amériques : du Québec au Honduras. Nous découvrons la méditation vipassana et avec le silence intérieur, la présence pure… Le tai chi chuan nous accompagne.

Au retour, nous passerons presque trois ans dans une école de tai chi 

où en échange de notre aide pour rénover le lieu, nous recevons les stages. Je goute à une certaine alchimie entre le faire du chantier et la saveur de l’être baignée de chi. La calligraphie se déploie aussi, portée par une nouvelle enseignante.

 

29.5 ans précisément : je rencontre, sur un marché, une femme passionnée d’astronomie qui m’explique le retour de Saturne et sa question inévitable :

 « Qu’est-ce que je suis venue offrir à ce monde ? »

Je me sens complètement étriquée à l’intérieur. Je sens un appel pour l’Ultime mais je ne sais pas comment y répondre. Elle m’aide à comprendre ce que je vis : je suis comme dans le goulot d’un sablier. J’ai reçu pendant trente ans aujourd’hui j’ai à l’offrir au monde. 

Process qui prendra cinq ans à commencer. 

Cinq ans d’acharnement, tendue vers quelque chose qui m’échappe complètement. Quand je regarde en dedans, je pleure d’impuissance de me sentir si éloignée de ce à quoi j’aspire.

Ça s’ouvre avec la peinture et la rencontre avec Brigitte Seneca qui en a fait un chemin de connaissance de soi. Par cette voie, j’arrive petit à petit à reconnaitre la beauté et la lumière qui m’habitent. Mon regard et mon cœur se rouvrent à la beauté du monde. Par le miroir de la création, je me découvre et me dévoile. Ensuite, ça devient possible d’aller voir l’ombre : retravailler la toile pour transformer les faiblesses et les manques. Laisser la force se déployer pour que le tableau et l’être se révèlent : trouver sa parole, son authenticité, son unicité… 

 

 

 

 

Ça commence par cette rencontre avec la toile blanche.

Espace vide et vierge où tout est à créer,

tout est en devenir.

J’accueille cet espace en moi,

l'espace de tous les possibles.

J’ouvre grand à ce qui me dépasse.

Je m’efface pour laisser la place à ce qui veut se dire,

à ce qui veut naître par mes mains.

Rencontre avec l'Indicible, avec l'Imprévu, avec la Vie.

C'est le grand saut, la première trace.

Je me jette dans ce vide qui s'offre

et  je l'habite de ce que je suis.

C'est un acte fort et puissant,

déconcertant.

Je laisse jaillir ce flot de vie, de création.

Je suis avec lui.

Je l'accompagne dans sa naissance.

 

 Et puis je regarde la toile

et je découvre là où je suis intervenue,

là où j’ai pleinement laissé passer.

Et ainsi, je décèle l'envie de faire beau, le rattachement au connu,

si j’étais dans mes profondeurs ou en surface de moi-même...

Autant d'indices sur là où j’en suis.

Et ainsi, de toile en toile, je m’élague.

Je m’épure du superflu.

Je descends un peu plus profond dans mes abysses.

Je me découvre.

 

Ce qui se crée sous mes yeux se charge de ce que je suis,

prend ma couleur, mon unicité.

Je me révèle à moi-même.

Nous devenons un même élan de vie, de création.

Joie pure.

Merveille de l'Ineffable qui se veut infime et immense à la fois.

 

 

 

 

 

Et puis, il y a ce repas d’anniversaire. J’ai besoin de dire les choses et de poser des limites à ce qui, pour moi, est de l’irrespect envers ma mère de la part de ma nièce. Ça dégénère très vite. Je reçois une sacrée dose de violence et de rage. Je n’avais pas réalisé qu’elle portait ça en elle. Même si je ne résonne pas avec cette acceptation silencieuse, je comprends mieux l’absence de réaction du reste de la famille qui avait déjà été témoin de l’une de ces crises. 

C’est le clash : la famille se scinde en deux. 

Un gros déni est là de la part de ma sœur et de ma nièce.

Je chemine avec ça. 

J’accueille l’écho de ma propre violence que c’est venu réveiller. Les gifles reçues, pendant mon enfance quand je dépassais vraiment les limites, ont laissé des traces... Des traces que je ne veux pas reproduire. Je comprends que ma nièce cherchait de l’attention et de l’amour mais aussi les limites qu’elle n’a pas reçues et qui peuvent être aussi de l’amour. Je tente un dialogue qui n’aboutit pas. 

Ma mère développe un cancer derrière l’œil qui se rependra dans les poumons et les os. Elle vit très mal la séparation de la famille en deux. Je lutte contre la culpabilité qui m’assaille. Je découvre les conséquences que peuvent avoir mes actes. Je me détache comme je peux… 

 

 

Deux ans après la rencontre avec Brigitte, je décide de m’engager pleinement dans cette voie. Je me trouve un petit boulot « minimum vital » et je peins. Je passe beaucoup de temps dans la nature, à m’accorder à son temps avant de la croquer à grands coups de fusain. 

La vie s’éveille. 

Je me sens vivante comme jamais. Je sens son feu dans mon ventre. Je découvre la joie d’être. Une joie profonde qui se nourrit du simple fait de respirer, d’exister.

 

 

 

 

Laisser vivre le temps de maturation

Laisser être le silence

Ecouter les rythmes et les silences

S’harmoniser avec

Œuvrer avec

Ne faire qu’un et créer ensemble

S’intégrer au temps de l’arbre

rentrer en résonance avec

entrer dans sa résonance

dans son temps

 

 

 

 

Six mois après et après un an et demi de quête, nous trouvons notre lieu : petit paradis dans une vallée en sud-Ardèche. Je me sens chez moi pour la première fois. Nous souhaitons créer un lieu d’inspiration et de beauté où accueillir des événements culturels, des stages et des résidences d’artistes. C’est un espace de création d’exception pour un bâtisseur mais un tombeau pour une artiste trop volontaire. Nous nous attaquons d’emblée à la rénovation du côté habitation. Nous y consacrons tout notre temps et énergie. Le feu qui m’habitait et qui me semblait immuable disparait en deux mois de chantier. 

C’est le début d’une lente chute vers le fond de l’abîme. 

Je ne suis plus que matière brute. Je n’arrive plus à méditer. Je ne sens plus le chi alors qu’il m’était évident avant même de savoir ce que c’était. Je ne trouve plus les ressources intérieures pour peindre. Je n’aurais tenu que quelques mois à mettre en priorité cet essentiel qui m’est pourtant si vital…

Je ne suis plus qu’horizontalité. 

C’est une déchirure à l’intérieur à laquelle j’essaye de faire face pour pouvoir continuer le chantier. La guerrière, que je suis aussi, est à son apogée piétinant et détruisant tout sur son passage. 

La roue du faire est là, à pleine puissance. 

 

Un an et demi de travaux acharnés : la base est en place et j’ai un atelier magnifique au milieu des bois. Je me remets à peindre. J’essaye de concilier les besoins du lieu et du projet avec la peinture. Je cherche. Je m’acharne à déblayer, à épurer tout ce fatras sous lequel je me sens ensevelie. L’été de cette année-là, je touche le fond de l’abime. 

J’y contemple une volonté d’autodestruction impitoyable. 

Je reçois un soin où je découvre ma blessure originelle et que j’en suis à l’origine. Je rencontre l’innocence et la beauté de la petite âme venue s’incarner et qui s’est sentie rejetée. Je me heurte à ma prison-refuge et à ces murs démesurés devenus tellement tangibles qu’ils me rendent comme schizophrène entre l’être et le faire, entre ce qui m’élève et ce qui me densifie, entre l’intérieur et l’extérieur… 

Quelques mois après, ça devient trop prégnant. Je reçois un deuxième soin où les murs deviennent perméables à la matière. Je la sens me pénétrer et la séparation se dissoudre. De là, je peux rayonner…

J’ai un appel très fort pour la montagne et la solitude. 

Je pars pour deux semaines de création et de silence. Le matin de mon départ,  j’apprends qu’il me faut démonter mon atelier car il est illégal. La vie me libère de ce qui me retenait encore à ce lieu, à cette vie-là.

Je ne reviendrais pas. 

Je souhaite plus que tout plonger dans la création, m’offrir à ce monde. Ce n’est pas conciliable avec ce trop plein de chantier. Ce trop plein de faire que demandent le lieu et le projet aussi beau et porteur soit-il.

Je me dévoile à un être, en osant dire les mots qui naissent en dedans. 

Cet infime ouvre la porte immense du don de soi et avec, naît ce livre. Comme une évidence, les mots s’écoulent, par chapitres, surgissant au beau milieu de la journée ou de la nuit, portée par un feu de vie qui me consume et m’enivre. Je vivrai trois semaines de pur absolu avec un cœur-cosmos grand ouvert. 

La source des mots m’est offerte. 

Eux, qui m’ont toujours semblés lointains, abstraits, trop éloignés de ce que je souhaite exprimer, me deviennent vitaux. J’arrive enfin à exprimer tout ce qui m’habite, me traverse, m’éblouit et me bouleverse. D’un coup, ils se teintent de la saveur de la justesse et de la précision, me permettant de révéler ce monde de sensations que je porte en dedans, me le rendant par là-même accessible. 

 

 

J’apprends que ma maman est gravement malade. La condition humaine me ramène à cette réalité qui se fait chair et éphémère. Je l’accompagne jusqu’à son dernier souffle tenue par la nécessité qu’elle puisse mourir en paix dans son lit et que je sois à ses côtés… 

Notre relation qui a toujours été compliquée se transforme complètement. Je ne suis plus en protection face à elle alors je la découvre enfin. 

Nous nous rencontrons juste avant sa fin…

 

 

Dans cet espace où le silence

s’est fait dense

nos mains jointes

accompagnant ton souffle

soubresauts d’incertitudes

 

Mère devenue fille

fille devenue mère

la peur au ventre du dernier soupir

dans cette chambre isolée

où l’intemporel rejoint l’éphémère

de la vie rendue à la terre

 

Et la lumière au loin

sur les montagnes

incertaines

de leurs éternités d’ébène

m’emporte

dans cet ailleurs

où l’éphémère rejoint l’intemporel

 

 

 

 

Ce retour abrupt dans la détresse et l’impuissance humaine, dans notre vulnérabilité face à l’Inéluctable est un cadeau. Un cadeau d’ombre et de silence pour me ramener sur ce chemin où se tisse l’Immense à notre quotidien. Ça m’a permis de sentir la vie m’aider à dire ce qui devait être posé, à maintenir le cap malgré les choix difficiles, à ouvrir d’autres possibles pour que l’intention essentielle se réalise. De me rendre compte que oui elle est là, dans mon ventre à chaque instant et que nous œuvrons d’un même élan à la réalisation du Mystère. De prendre conscience de l’ombre et de la lumière qui dansent ensemble pour nous aider à nous libérer en nous incarnant. 

Tout fluctue tout le temps. 

Tout est ombre et lumière en même temps. 

C’est un chemin magnifiquement escarpé et peuplé de révélations, de révolutions intérieures, de positionnements, de perditions, de retrouvailles... 

C’est la vie vécue à pleine dent. 

Où il n’y a plus ni bien ni mal mais la vie qui œuvre pour nous aider à être.

 

 

 

L’abus

 

 

Peu de temps après, avec une infinie délicatesse, la vie m’amène à soulever le voile d’ombre jeté sur mon enfance. Je m’émerveille du chemin par lequel cette évidence a pu émerger : 

D’abord les témoignages d’amies qui ont été abusées. Puis, cette discussion sur le consentement dans la danse et cette fatalité qu’un tiers des femmes ont été abusées (en réalité, c’est beaucoup plus que ça). 

L’émergence de cette première évidence : j’en fais partie.

 A deux reprises, autour de mes 20ans… Avec quelle désinvolture et rapidité, je me suis retrouvée avec leur doigt dans mon intimité comme si c’était tout naturel qu’ils y soient. Et avec quelle passivité, j’ai accepté ! Jusque-là, pour moi, il n’y avait pas eu d’abus. La première fois quand j’ai repris mes esprits et posé des limites, ça a été écouté. La deuxième fois, un ami est arrivé et il s’est retiré.

Mais l’absence d’un « non » n’est pas un « oui »… 

Sans parler de toutes les aberrations rencontrées en faisant du stop, où sous prétexte que je suis une femme, il est tout naturel de pouvoir me prendre pour service rendu. Et je ne parle pas de quelques cas…

 

Et puis, l’ouverture dans mon sacrum, suivie d’une chute en plein dessus qui le vrille complètement et qui met encore plus en lumière mon côté gauche replié sur lui-même, révélateur de ma soumission face aux hommes et à l’autorité… De réaliser à quel point je m’étais mise de côté dans chacune de mes relations et de poser l’intention de sortir de ce fonctionnement. S’ensuit cet échange avec une autre amie sur son chemin de mise en lumière et de pardon face à l’inceste.

Le lendemain, je plonge en moi et je touche une masse opaque, dense. Une angoisse profonde est là dans mon ventre. 

Et je sais, c’est l’évidence : j’ai été abusée pendant mon enfance. 

Le souvenir de l’après me revient : une détresse sans fond mêlée de rage et de larmes m’imprègne tout entière sur ce lit, dans la pénombre, où je suis seule avec ces mots en boucle, qui te bannissent de mon cœur… 

 

 

 

Le doute s’immisce

La peur s’installe

Il y a une ombre en dedans qui appelle à la lumière

Une eau profonde 

opaque

qui empêche l’éclosion

qui stagne et qui attend

 

La peur grandit

à l’approche de cette ombre

de cet oubli vital

pour la survie de l’innocence

Mais la maturité appelle le souvenir

appelle la clarté de la nuit

 

Que toute mon ombre baigne de lumière

Que même la plus infime parcelle de mon être 

soit un reflet de Ta splendeur

un écho silencieux de Ta lumière

 

J’ai peur de ce raz de marée

Je sens ma terre trembler

 

Aurais-je la force de te regarder en face ?

Aurais-je la force de pardonner

l’offense méprisable que je pressens ?

 

 

 

 

 

Demain, je saurai. 

Demain, je reçois un troisième soin…

 

Je peux enfin gouter à la saveur de mon ventre, m’y déposer. Je sens le feu qui se déploie, libéré de la soumission. 

 

 

 

 

Où vont les ténèbres dans cette brassée de firmament ?

Où va l’onde de la lune dans mon cœur épris ?

 

Les eaux noires s’écoulent 

libérant l’espace clos de l’oubli

Souffle 

un vent nouveau au parfum de liberté

Eclosent 

les rameaux fleuris de mon innocence volée

L’enfant piétinée n’est plus

La femme puissamment arquée se redresse

Son cœur-flambeau exalté de la libération soudaine

Le secret n’est plus

La honte a disparu

Reste l’amour qui dévore la haine 

indomptable 

au-delà du raisonnable

 

Être en paix 

même au cœur des ténèbres 

déposées au plus sombre de ma nuit

 

Et rayonner

Et aimer

Libre d’être femme

 

 

 

 

Oui, j’ai été abusée. 

« J’ai peur dans cette obscurité, dans cet isolement. Le silence est oppressant. La haine si vive. J’aimerais ne plus exister, n’avoir jamais existé. Disparaitre de la vue des hommes. La souffrance intolérable dans mon ventre, dans ma chair. J’ai peur. Tellement peur que ça recommence. Je ne veux plus, plus jamais être sa  vilaine. Je ne suis pas vilaine même si je te haine. 

Peut-on s’annihiler soi-même ? S’anesthésier de sa propre souffrance ? 

Je sens que tout se condense dans mon ventre. Je me sens plus légère.

Pourrais-je relever la tête un jour ? Pourrais-je aimer avec ça dans mon ventre ? La peur a disparu aussi. Reste la soumission tenace.

Quand me redresserais-je ? »

 

C’est étonnant ce mélange de paix et de haine à l’intérieur. Ce détachement comme si ça ne m’appartenait plus et en même temps ce besoin de comprendre, de le mettre complètement en lumière… 

Et cette force farouche, inébranlable que plus jamais aucun homme ne pourra me soumettre. Cette force-là, aujourd’hui, je peux la mettre au service de la vie. Plus rien ne m’annihile. Mon antre est devenu soleil et source chantante. Et ce feu indomptable, savoureux qui m’emplit… Je m’accueille dans ce vécu. Je ne me sens plus sale. Je suis belle jusque dans mon ventre,  jusque dans mon antre. Je ne suis plus soumise. Plus rien ne me soumettra. Je peux enfin me tenir droite. 

 

Difficile de ne pas haïr. 

Tu m’as volé mon enfance, mon innocence. Tu m’as sclérosée de ton affront. Tu as refermé toutes les portes. Espace clos et froid d’une noirceur sans nom. Aujourd’hui, je ne peux pas faire autrement que de te haïr. Et l’émergence de cette évidence lumineuse que je ne peux te haïr et aimer en même temps car si je te hais c’est tous les hommes que je hais à travers toi. 

Et j’aime les hommes…

Etincelle de lumière qui embrase la nuit et dissout la haine.

 

Mais cette douleur profonde de toutes ces femmes qui ont leurs eaux noires, noires de cette souillure. Cette douleur immense face à cette réalité qui m’imprègne toute entière : des millions de femmes l’ont subi et combien le vivent encore aujourd’hui ? Comment pouvons-nous être encore dans une telle barbarie ?

Mon cœur pleure et saigne de cette noirceur sans fond qui nous entache tous.tes, qui nous plonge tous.tes dans une ignominie tolérée et acceptée, dans l’inhumanité. Je sais, je sens qu’en me redressant face à cette ombre, qu’en sortant de la soumission qui m’habitait; je participe à ouvrir ce possible pour toutes les femmes. Et cela pour chaque femme qui a parcouru, qui parcourt et qui parcourra ce chemin de mise en lumière. 

Alors oui relevons-nous. Cette souillure ne nous appartient pas. Elle n’a plus lieu d’être. Osons notre splendeur. Osons révéler notre puissance et laissons notre feu flamboyer. Soulevons ce voile…

 

 

 

Je me sens sale et meurtrie

sous vos regards prédateurs

sous vos mains conquérantes

La peine longtemps refoulée

remonte

et ravive la tristesse

La tristesse de cette incompréhension profonde

de votre mépris salace à notre égard

 

Votre désir est-il vraiment à l’égal de Dieu ?

Si omnipotent et omniprésent

qu’il en supplante le respect de celles qui marchent à vos côtés ?

 

Relevez les yeux

et regardez la lumière au-delà de la chair

Regardez toutes ces étoiles

qui se sont éteintes sous cette souillure

 

Sommes-nous obligées 

de devenir homme

pour être respectées ?

 

 

 

 

Plus j’ouvre les espaces qui ont été coupés par les horreurs du viol, plus je découvre que mes failles appellent à l’intrusion, que mon corps appelle un toucher froid et mécanique car c’est sa réalité. Avant, je ne sentais pas ces intrusions. Je faisais avec ces touchers qui ne me convenaient pas. J’acceptais de faire l’amour même si l’envie n’y était pas. Le devoir conjugal était inscrit en moi car dés le début je n’avais pas été respectée et honorée dans ma sexualité. J’avais appris à prendre sur moi, à faire avec…

Et puis, des fois, je me suis sentie joyau entre leurs mains. Ça m’a donné l’envie d’explorer plus cet espace, d’aller à la rencontre de ma vulve, de ma sensualité, de m’offrir ce que je recevais que rarement des hommes. Ainsi, j’ai pu me rencontrer, me déployer dans ma sexualité, aimer ça. Ce changement transforma mon approche du sexe de l’homme ; comme si en honorant mon sexe, je reconnaissais la beauté du leur. 

Il y a eu des variations dans ce cheminement dans un sens ou dans l’autre selon ce qui me travaillait en dedans, me donnant l’impression de régresser ou de me refermer alors que c’était simplement une nouvelle strate enfouie qui réémergeait pour être mise en lumière. 

Notamment avec la sensation d’être intrusée. Dés que j’ai commencé à le sentir, le danger était partout car j’avais conscience de me sentir intrusée mais j’étais incapable de l’éviter. Alors soit je fuyais, soit je finissais toute recroquevillée à l’intérieur, ce qui avait plutôt tendance à appeler encore plus d’intrusions. Petit à petit en allant voir ces espaces où j’avais fui mon corps ; j’ai pu y revenir, m’incarner un peu plus à chaque fois, me densifier. En habitant pleinement mon espace vital, je n’appelle plus à venir le combler, générant les intrusions. Plus j’aime et je respecte mon corps, plus j’attire à moi des êtres capables d’aimer et d’honorer ce que je suis.

 

 

 

 

 Ne me touche pas

Fuir à tout prix

Esquiver le récif

Déplorer l’esquisse à vif

Détourner la peau mais pas le regard

Vue de face la brume est froide

Elle embrouille les pistes 

Embrume les vestiges 

poussières qui s’érigent

 

Je ne pige pas 

la tempête le vide

cette étreinte de mort

 

Je ne pige pas 

tes doigts en moi

Ni le silence

Ni l’acceptation silencieuse

 

En dedans pleure le silence 

pleure la perte de l’innocence 

l’hécatombe

tombeau du vivant 

emmurée vivante

parenthèse de l’étincelle

Tombe dans le gouffre

S’engouffre dans la chute 

sans parachute 

juste chut

Ecoute entend féconde le silence 

de l’écho des pleurs étouffés oubliés 

parachutés dans un passé oppressé

 

Défertilise l’être 

qui s’effondre dans l’ombre 

se perd dans l’univers

Troué du ciel qui effleure les pleurs 

recueille l’écueil des vestiges du vertige de la chute 

de l’abime qui m’abime

En dedans ça chute

 

Mais chut

La peau s’effleure 

ma peau s’effeuille

déflore l’innocence 

hécatombe du vide

vertige des vestiges 

noyés de silence 

sous la peau devenu carapace 

devenu cataracte 

de pleurs retenus 

d’angoisse contenue

 

Délicate évanescence de la fuite 

S’évanouit l’inouïe 

S’enfouit l’éclat 

Rattrape les restes épars 

éparpillé par le pillage du temple dévasté

éclaté en millier de petits fragments 

disséminé dans le néant du dedans 

dans la tumeur de l’innommable

 

Futile volatile 

qui espère l’inespéré 

qui libère ses ailes 

moignons atrophiés

Mais qui y croit 

croit en la lune qui éclaire l’oubli 

croît dans la danse qui restaure le corps 

qui délie la chair supplice 

redevenu délice

lisse les plis froissés de la mémoire

 

Douceur qui se déploie 

sous la peau de soie 

dans le douillet d’être soi

Juste être soi 

épurée 

dépouillée de toutes souillures malvenues 

du mâle venu en conquérant 

dévastateur rendu à la poussière et aux étoiles

 

Le silence chaud des caresses de nos peaux 

qui se rencontrent dans l’imprévu de la danse 

dans cet interstice 

où le toucher est juste toucher 

dénué de toute perversité

Alors les peaux s’éveillent 

réveillent la sensibilité du dehors 

abreuvent le dedans de présences étrangères 

devenues familières 

par la nudité d’être sincère 

par l’approche au plus proche de l’être 

sans reproches 

sans barrières 

qui font offices de frontières 

entre toi et moi

 

Toi que je ne connais pas

Je t’ouvre cet espace de l’intime 

de mon intime

J’ouvre ma danse à cet élan 

qui nous réunit

Je dépose mes oripeaux 

et m’élance 

libre de tout préjudice

Je fais ce choix de me confier à toi

Reçois cet inestimable

Honores le vulnérable 

mis à nu 

par le corps qui accepte d’être touché

Être touchée 

par l’écho de ta peau 

sur ma peau 

Desserre l’étau

Abolit les frontières

Enivre les canaux des sens 

d’ivresse passagère

 

Nous sommes 

les clandestins de l’Immense 

le temps d’une danse

 

 

 

 

 J’ai également découvert qu’ayant été intrusée, je pouvais intruser moi aussi. Heureusement, n’étant plus coupée, je m’en rends compte tout de suite ce qui me permet de sortir de ce fonctionnement. Expériences très précieuses pour cette compréhension qu’il n’y a ni victime, ni bourreau et que le bourreau a été victime aussi.

Je crois sincèrement que le seul moyen de sortir de ce fonctionnement est de se prendre en main et d’aller voir en face ses traumas, de les guérir. D’être en paix avec ce qui s’est passé pour ne plus être ni victime ni bourreau.

 

 

Un chemin de guérison

 

 

 

Ça danse dans mon ventre

mon ventre océan 

ouragan de volupté envolé dispersé

Ça ploie ça plie ça trille ça étrille ça frétille

Ça danse dans mon ventre 

dans mon ventre dense

Descente dans les eaux profondes 

dans les abysses des interstices de ma matrice

Tisse la puissance à mes os

 

Pose ose entre

J’entre dans mon antre 

dans l’antre de mon ventre

Matrice qui tisse la triste piste 

sente du tréfonds 

sceller pour mieux s’élever

S’élever où si pas d’ancre à mon antre ?

Alors je replonge

Dévisser la mémoire de mes os 

reflets de mes eaux

Déterrer les vestiges des naufrages passés

engloutis dans l’hécatombe des flots

Ma mémoire naufragée 

dans mon ventre océan 

cherche l’ancre

 

L’oubli morcelle le fond

Le fond appelle la mémoire vive

Libère les amarres

Met à nue

Met à vive 

dans le silence qui se cache 

dessous la surface lisse

Mais la matrice ne ment pas

Elle tisse toutes nos mémoires 

en un voilier de liberté 

à l’horizon épuré

 

Plonger dans mes eaux noires en quête de ma vérité, de mon histoire. Je découvre un trop plein de souffrance qui en se libérant laisse la place à l’amour, à la compassion. J’ai eu besoin de me retrouver à travers toute cette souffrance qui m’a façonné et conditionné à elle. De redonner une consistance à ma petite fille malmenée. De la reconnaitre dans son vécu, dans ses peurs, dans sa haine, dans son sacrifice surtout. Dans le sacrifice de tout ce qu’elle était de  précieux au détriment d’un carcan qui lui a permis de tenir contre les assauts d’une enfance de violence.

C’est sans fin cette chute dans les abimes de l’être. J’ai eu à faire ce chemin pour être en paix avec mon passé. Pour découvrir ce regard d’ensemble qui voit que tout à sa raison d’être, même le pire. Que c’est la résonance de blessures plus anciennes, permettant ainsi la possibilité d’une guérison profonde de l’être…

 

Je sentais qu’il y avait d’autres choses à mettre en lumière avec ce viol alors la vie m’a amené à rencontrer une chamane. Elle m’a aidé à plonger de plus en plus profondément dans mes eaux noires, à la rencontre de l’enfant que je fus et à travers lui de l’être que je suis : 

Se connecter avec l’émotion ou les sensations qui sont là et de là, aller à la rencontre de son enfant intérieur. L’accueillir, le reconnaitre dans l’émotion qui l’imprègne et l’annihile du fait de sa non-expression. Lui permettre de l’exprimer, de libérer ce trop-plein en se visualisant dans une bulle, où il se sent en sécurité. Dans cet espace, il peut laisser jaillir les actes, les mots, les émotions qui ont été refoulées pour pouvoir survivre. Grâce à ça, l’enfant se restaure, se redresse, retrouve force et dignité, habite de nouveau son espace vital. 

L’être est témoin de ce qui se joue, découvre par ce qui jaillit ce qui a été refoulé. Couche après couche, les traumas et les fonctionnements mis en place pour survivre réémergent pour être mis en lumière et libérer. Ainsi, l’être se déploie à son tour. Ça devient de plus en plus évident que ce qui nous est donné de vivre aujourd’hui est en résonance avec nos failles. Qu’en faisant le lien et en allant voir ce que ça active dedans, les transformations se font de manière beaucoup plus douce et effective. Il n’y a plus besoin d’une grosse claque de la vie, pour se mettre en mouvement. Ça se fait en son rythme, en adéquation avec l’être. 

Plus on chemine, moins il y a de résistances et plus ça se libère.

 

Mon histoire commence dans une ancienne vie, lointaine, où j’étais un être d’amour. Il me restait une once d’orgueil, l’orgueil de me croire inatteignable. Alors j’ai continué à guérir et à transmettre malgré la menace qui pesait sur nous. Je fus dénoncée. Ma mère dans cette vie qui n’était pas ma mère dans l’ancienne se sacrifia à ma place. Elle brûla vive. Je voulus partager sa souffrance, la vivre avec elle, peut-être pour atténuer la culpabilité qui m’assaillait. Ce fut intolérable. C’est une souffrance innommable. Une peur démesurée d’être brûlée à mon tour naquit. Je n’osais plus guérir, ni transmettre. Un sentiment de lâcheté s’ajouta à cette peur qui petit à petit me ravagea. Je perdis toute estime envers moi-même, gangrénée par ce mélange de culpabilité et de couardise. J’abandonnai mon corps à toutes les souillures. Je finis, dans une geôle sordide et sombre, seule, déshumanisée, rongée par le désespoir de ne plus être digne de cette lumière qui m’avait habitée et que je n’arrivais plus à reconnecter.

Aujourd’hui, en replongeant dans ce désespoir et cette sensation d’être amputée d’une partie de mon être, je comprends qu’elle m’était devenue imperceptible car j’étais aveuglée par cette vision de ce que j’étais devenue : un amas de chair souillée et laissé à l’abandon, une terre morte. Je m’étais identifié à ça. La lumière se cachait au-delà de cette apparence… 

Je découvre également comment cette ancienne vie s’est rejouée dans mon enfance :

La première fois où je suis venue rencontrer le fœtus dans le ventre de ma mère, la mémoire de cette autre vie fut réactivée. Une part de ma mère reconnecta avec cette souffrance d’être brulée vive, entrainant la coupure et le rejet envers l’enfant qui grandissait dans son ventre. De mon côté, je revécus cet instant dans le premier soin avec la chamane : un annihilement total de moi-même et une sensation dans mes mains que je n’oublierai jamais. Elles étaient comme atrophiées, complètement figées. Je compris plus tard que c’étaient  mes dons reniés. Ensuite, émergea du feu dans ma trachée : j’étais empoisonnée par la peur de ma mère face à cette souffrance. Je déployai une résistance sans failles pour préserver mon essence vitale. Tout mon être était tourné vers cette lumière l’emprisonnant dans une boule impénétrable et indestructible. Quand elle revient vers moi un peu avant ma naissance, je n’étais plus capable de recevoir son amour, j’étais complètement repliée sur moi-même. En même temps, je lui donnais de mon énergie vitale pour essayer de la soulager de cette souffrance que j’avais ravivée en venant m’incarner à travers elle. J’ai toujours eu la sensation de me faire vampiriser par elle, alors que je me donnais de mon plein gré, activant son besoin de venir chercher réconfort et soutien auprès de moi.

 

Du côté de mon père, je me suis retrouvée face à un mur blanc dans ma mémoire qui cachait une terreur immense. Ça a émergé grâce à un transfert, c'est-à-dire qu’il se rejoue avec une personne des fonctionnements mis en place avec les parents, permettant ainsi de les conscientiser.

C’est une période où je sens ma petite fille dans un grand besoin d’être aimée, les bras tendue en quête d’un peu d’amour. Je rencontre un homme. Une partie de moi est attirée, une autre ne le sens pas et se méfie. Je finis par ouvrir petit à petit. Je me laisse faire. Je découvrirais après ce week-end passé avec lui, l’énorme faille d’intrusion qui m’habite, révélant la sensation d’avoir été manipulée et abusée. Je le revois un mois plus tard pendant une session de chamanerie. Je garde mes distances pour ne plus rien lui donner. Au bout d’un temps, je me rends compte du transfert. Même s’il y a une base de véracité, mes réactions sont quelque peu disproportionnés. A la fin, il me suffira de le voir passer à 20m pour qu’une peur démesurée émerge.

En plongeant dans cette peur, j’ai pu ressentir comment mon être se faisait arracher des lambeaux de mon corps énergétique comme un tractopelle vient rogner des morceaux de terre. Et avec, cette impression que mon corps ne m’appartient pas, qu’il n’est qu’un objet… 

Lors de ma dernière plongée, j’ai découvert ma petite fille complètement recroquevillée sur elle-même les mains sur les oreilles. Il m’était impossible de l’approcher : « NE ME TOUCHE PAS ! » Après beaucoup de douceur et d’attention, j’ai pu la prendre dans mes bras et la rassurer. 

« Raconte-moi… »

Les souvenirs restent flous, en apparence anodins. Mais la sensation dans le corps est atroce. Il se fait complètement piller, ravager intérieurement, autant par mon père que par ma mère chacun à leur manière. Même si je les sais baignés des meilleures intentions, il y a des choses qui nous échappent : l’inconscient est à l’œuvre ! Il en a émergé une haine envers eux, démesurée ! Une certaine dose s’est libérée dans la bulle. Petit à petit, sinon c’est intolérable… 

 

J’ai pu voir quelques jours après comment cette haine est devenue amour : 

Je suis assise sur les marches d’une église, un homme passe. Il me trouve charmante… Il repasse « je suis désolé pour tout à l’heure. T’es belle comme un cœur. » Il sent l’alcool. Je sens une violence et une grande souffrance en lui. On commence à discuter. Il finit par me livrer qu’il a fait la guerre au Rwanda. Il se revoit tuer les enfants à mains nues. C’est une toute petite partie des atrocités commises… Il est dans une détresse, dans un dégoût pour lui-même qui me déchire le cœur. Ces atrocités, il continue de les commettre à l’intérieur. Même si depuis il essaye de se racheter en prenant soin des autres…

Il a un grand besoin de contact physique, humain, que je lui donne jusqu’à une certaine limite qui est devenue évidente et infranchissable : au-delà, il y a intrusion. Cette limite est palpable et s’érige d’elle-même dans la douceur et l’amour car elle émane d’un placement intérieur. C’est une rayonnance et non une barrière…

 Je n’ai pas une once de répulsion, de colère ou de haine. Je suis complètement tendue vers lui, habitée par une force d’amour qui souhaite qu’une chose : qu’il arrive à déposer les armes, à s’accueillir dans ce passé, à trouver la paix... 

 

En fait, si j’allais me cacher dans les placards ce n’était pas pour voir si mes parents s’apercevraient de mon absence mais bien plutôt pour chercher refuge, débordée par des pleurs de peur et d’isolement. J’ai revécu ces pleurs. Une telle angoisse et insécurité m’habitaient et m’habitent d’ailleurs encore.

Et en même temps, je sais que ça a été comme un écho à cette autre vie, que si ça a été si fort et traumatique c’est parce qu’il y avait cette résonance si vive. Comme s’il y avait besoin d’avoir les mêmes cartes pour pouvoir transformer et guérir les blessures profondes de l’être.

De voir aussi cette petite fille les bras tendus vers son père avec un tel besoin d’être aimé. De découvrir, comment j’ai toujours été attiré par des hommes qui en apparence donnent et sont présents mais qui en fait ne savent pas aimer, tenus par une dureté sans faille. Dureté que j’avais aussi envers moi : tenir bon quoiqu’il m’en coute, quoi qu’il advienne.

Qui est vraiment capable d’aimer ? Peu d’entre nous… 

Nous avons vraiment à redécouvrir ce qu’est aimer et à se donner cet amour qui nous a tant manqué. S’aimer pour pouvoir aimer. 

 

Il est vital d’aller soigner ses blessures et ses souffrances pour sortir de ce cycle de violence que nous perpétuons dans notre ignorance. De reconstruire son espace vital, de l’habiter pleinement, de combler les failles pour éviter d’autres violences, d’autres intrusions. Nous avons tous un vrai chemin de conscience et de guérison à parcourir si nous voulons sortir de toute cette violence, de tant d’inconscience et d’absurdités.

Oui, ça peut faire mal d’y replonger et d’y revivre, d’être témoin de la haine qui m’habitait, et m’habite encore, envers mes parents, envers moi-même. Et en même temps, plus je descends dans mon ombre, plus je découvre ma lumière et plus j’ai la force d’aller voir plus loin. Je sais que ce n’est que le début, que j’ai en moi une marée noire opaque et dense. Mais je sais aussi qu’en son cœur rayonne une pure lumière et qu’elle est mon trésor, ma raison d’être. 

 

Je vois comme cette grande ouverture un an plus tôt m’a permise de toucher à un état d’être qui demandait à s’incarner en me donnant la force de plonger dans mon ombre en quête de tous ces bouts de mon être qui demandent à revivre.

Mes blessures sont la terre fertile qui me façonne et m’offre le terreau propice à ma floraison. Il n’y a rien à rejeter en dedans. Tout peut être matière à transformation. Ça demande simplement une mise en lumière, un peu de chaleur pour que la vie puisse venir se lover dans ces espaces saturés d’ombre et d’isolement. Alors, je ne suis plus seule face à mes traumas passés. La vie et l’être que je suis devenue sont là en soutien, en écoute, en amour. Ils offrent l’espace à ce bout de mon être pour se libérer de la souffrance contenue, non-exprimée. Cette graine de mon être peut fleurir enfin. Je ne suis plus un champ aride, stérile mais un jardin fertile où chaque graine peut germer et fleurir, encouragé par la vie qui se déploie de plus en plus. C’est les premières graines les plus difficiles car c’est l’inconnu du dedans qui peut être froid et sombre, angoissant par sa méconnaissance. Mais plus j’ose aller voir, plus ça s’ensoleille, plus la terre devient meuble, plus je connais le chemin pour y accéder, plus j’ai l’envie et le besoin de prendre soin de mon intérieur, de m’y déposer, de l’habiter…

 

 

 

 

L’éclosion

 

 

 

Et puis, petit à petit, émerge le trou béant de la considération, présent depuis le début, inatteignable par sa démesure. La valorisation tentait de se construire, tenait un peu puis finissait par s’effondrer inévitablement…

 

 

 

Considération

c’est simple, non ? 

Evident même !

 

Mais en dedans 

concept abstrait 

sans porte d’entrée

Où est l’accès ?

Pourquoi trou béant 

en dedans 

quand je pense 

estime ?

 Ça pleure 

face à ce vide

 

Considération

c’est simple, non ? 

Evident même !

 

Et pourtant 

ça résonne pas 

en dedans 

ça sonne creux 

ça se vide 

Chasse d’eau indélébile 

C’est le néant 

du dedans 

où tout se fige

Je tente de saisir 

un centime d’estime 

poussière écarlate 

qui se dilapide 

dans le vent

Il n’y a pas 

une once d’estime 

juste un déni 

omnipotent

pour ce que je suis

 

Où suis-je 

dans le néant 

de mon dedans ?

 

 

 

 

Comment se valoriser sans un minimum d’estime de soi à la base ?

 

Cette estime j’ai essayé d’aller la chercher dans la reconnaissance du chemin parcouru, dans la reconnaissance de la force et de la foi qui est là depuis toujours et qui m’a permise de survivre et d’avancer, quoi qu’il m’en a couté, vers la lumière, de rester inébranlable dans ma nécessité de servir. Il y a là quelque chose d’inestimable. Malgré toute la souffrance, toute la culpabilité, toute la haine envers moi-même, il y a cet espace en dedans où la vie palpite et m’initie à ce que je suis. Dans cet espace là, je peux m’estimer et commencer à m’ériger : 

J’ai l’impression de voir l’un de ces arbres millénaires accrochés à flanc de falaise et qui poussent malgré les rafales de vent et le peu de terre à disposition. 

Oui, j’ai eu à me tordre comme eux pour survivre. Par cinq fois, j’ai retrouvé mon enfant plus morte que vive. Je lui ai recréé un corps. Je lui ai réinsufflé la vie jusqu’à ce que ses yeux se réouvrent, que son corps retrouve une consistance et la force de vivre de nouveau. Je l’ai cherchée à tâtons dans une mer de brume, reflet de la souffrance qu’elle avait en elle. Souffrances que j’ai eu à extraire pour qu’elle ne soit plus submergée par elles, libérant au passage mes poumons de ce qui les oppressaient. J’ai pris soin de les ranger dans un espace où je pourrais les découvrir en temps voulu. Elles sont des morceaux de mon être, de mon histoire…

Il y avait aussi quelque chose à libérer dans la focalisation de mon attention et de mon regard. Et en effet, j’ai découvert ma petite fille dans un cube blanc prolongé d’un très long couloir. Elle percevait le monde depuis là. Alors, elle s’était crée son monde dans tout ce blanc. Elle s’était réinventée sa vie. Ensemble, nous sommes allées au bout du couloir. Elle a découvert le monde et a fini par accepter d’y descendre en emportant son monde avec elle. Quelle joie, le lendemain, de sentir son émerveillement dans mon ventre devant les brumes matinales. Quelle profondeur ça amène à mon propre émerveillement. Quelle beauté de me voir rire en découvrant, à travers son regard, des hérons. De voir mon corps se pencher un peu plus, poussé par sa curiosité en apercevant une pie. Que c’est bon de sentir la mobilité de mon regard libérer de la fixité. Quelle merveille de la sentir vivante dans mon ventre, de goûter à la fraicheur de son rire, à l’innocence de son regard.

Malgré tout je sens que ça reste en surface. 

 

Alors je replonge et je découvre la souffrance de ma petite fille face à l’indifférence de ma mère qui laisse mon père mettre des limites comme il peut mais qui sont une décharge de violence pour l’enfant que je suis et qui ne reçoit aucune considération, ni consolation pour ce qu’elle vient de subir. Des flots de pleurs sortiront en découvrant ça. Ils seront ma première assise de considération.

A cette période là, je suis avec un nouvel amoureux. La vie n’aurait pu trouver plus adapté pour me faire travailler la considération et la verticalité dans la relation. Il est à un moment de sa vie où il est face à un gros trauma. Je le soutiens comme je peux. Le soigne parfois. Il en émerge la sensation de me donner à perte et de ne pas être reconnu dans ce que je lui donne. Je décide d’arrêter de le soigner. Les semaines d’après, je sens comme un rejet en dedans face au soin. Ça tire, alors je n’en donne plus. Je finis par aller voir ma petite fille. Je l’entends crier à ses parents « Est ce que je dois mourir pour que vous vous rendiez compte de ce que je vous donne ? » Après ça, je sens qu’elle fait le choix de refermer la porte, de ne plus se donner à ces parents. Exactement comme je l’avais fait avec mon amoureux. En lui fermant cet espace, je le fermais tout court. Autant aujourd’hui qu’enfant, c’était mon seul moyen à disposition pour me préserver. 

Je me rends compte à quel point je ne sais pas être en relation : soit je me donne à m’en perdre, soit je rejette et m’isole… Je cherche une posture pour être bien dans cette relation. Je m’aperçois que je ne connais pas cette posture car je ne sais pas être dans ma verticalité en relation… 

En même temps, je sens, en dedans, mon Parfum là tout proche. Mais dès que je m’approche, toutes les sonnettes d’alarmes s’allument et crient « danger de mort » ! Et cette phrase émerge comme une évidence « S’offrir, c’est mourir. » 

J’ai ça engrammé en moi… 

Par trois fois pendant cette relation, j’ai reçu cette phrase 

« Ce n’est pas ta place, c’est sa place ! » 

Celle de son ancienne amoureuse. Ça m’a fait mal d’entendre ça. Les deux premières fois, j’ai accepté. C’était ma réalité en dedans. C’était le reflet de mon absence de considération. La troisième fois, qui était après la découverte de l’indifférence de ma mère, ça a été irrecevable entrainant la séparation. La nuit suivante, il me devient évident comme cette phrase a son sens et est inscrite en moi. Elle me ramène au début du lien karmique avec ma mère. En dedans ça hurle «  Ce n’était pas ta place. C’était à moi de brûler ! » 

Je me retrouve dans cette autre vie et je sens en moi un infime soulagement que ce soit elle qui brûle à ma place. De là nait un dégoût violent, un dénigrement total pour ce que je suis. Cet infime soulagement m’est intolérable et me détruit. Je fais face comme je peux à ces émotions qui m’assaillent. Le matin, j’y retourne. 

Je découvre ma petite fille qui se poignarde le cœur à grand coup de couteau avec un acharnement impressionnant !  J’arrive à la calmer un tant soit peu et me dépatouille comme je peux avec tout ça. Je vois comment ces notions de places et de choix, assumés ou non, se sont complètement mêlés et emmêlés avec celles de ma mère entrainant ce lien karmique. Je démêle un peu tout ça. Mais le dégout et la haine restent vives en dedans. 

Heureusement, le lendemain j’ai rendez-vous pour un cinquième soin. 

Beaucoup de choses sont évacuées, libérées. En sortant, je sens que l’espace est libre, épuré. Je passe cinq jours à sentir que c’est accessible mais sans y aller pour autant… ça tire en dedans. C’est triste. Le matin suivant, je fais le pas. 

Je vais à ma rencontre. 

Je comprends ce qu’est « s’offrir ». 

Pour moi, avant, ça voulait dire « je me donne au monde » d’où la sensation de se vider. 

Là, je sens que c’est avant tout s’offrir la saveur de la vie. 

Savourer chaque instant. 

S’honorer comme une poussière d’Eternité. 

S’aimer parce que je suis ce que j’ai de plus précieux. 

Se reconnaitre comme sacré… 

Ce n’est pas un mouvement centripète, ni même centrifuge. Je sens plutôt que ça rassemble l’Immense et l’Infime en quelque chose de vivant qui se suffit à lui-même. Que ça reçoit et que ça se donne mais que ça ne m’appartient pas. C’est au-delà de ma volonté. C’est plein d’une intensité de vie qui se nourrit d’elle-même parce qu’elle n’est plus séparée de l’ensemble. 

 

 

 

 

L’espace

respire

en dedans

 

Je me dilate 

et me densifie 

 

Pulse avec lui 

en lui 

 

Une seule pulsation 

immense

infime

dont le centre 

est mon ventre 

La source l’infini

 

Le cosmos 

bat

dans mon ventre 

au rythme de la terre 

 

La terre et le cosmos 

unifiés

dans mon ventre 

vivant

 

Tout mon corps 

bat

à l’unisson du monde

 

 

 

 

 

La considération est un joyau.

La pépite de la reconnaissance de ce que je suis.

Le joyau d’un corps réceptacle à un être unique.

 

Pour moi, avant, dans un endroit bien enfoui en dedans, mon corps était un amas de souffrance dans lequel je ne voulais pas être. Alors je le fuyais. Ma manière à moi c’était de donner, de me donner. J’entends par là que je peux m’oublier complètement pour me mettre au service de l’autre. Ça peut être son projet, son process de transformation, son bien-être… Qu’importe mais ça devient l’essentiel et j’en oublie mes essentiels. Et cela dans l’espoir d’exister pour lui, d’être reconnue à travers ce que je donne. Evidemment ça ne marchait pas, ayant si peu de valeur à mes yeux, je ne pouvais en avoir dans les yeux des autres. De cette absence de reconnaissance naissait un sentiment d’être pillée, utilisée à mes dépends, aggravant mon sentiment de non importance et la dévalorisation qui va avec. Je finissais toute petite en dedans, recroquevillée dans un recoin. Jusqu’à être tellement acculée que je n’ai plus que le choix de tout envoyer valser pour pouvoir me retrouver un tant soit peu, reprendre un peu d’espace. Et puis ça recommence avec l’amoureux suivant…

Plus je me suis ouverte, plus je me suis aperçu de tout ce que je recevais des autres en dedans. N’habitant pas mon corps et étant tellement tournée vers les autres à vouloir les soulager que je récoltais des grappes de souffrances de-ci-delà au gré des rencontres. 

Un jour, où j’étais déjà à vive avec les souffrances du viol qui réémergeaient, ce sont ajoutées les violences du viol de mon amoureux. Double dose. Maxi dose. Beaucoup trop ! Et toujours cette constatation que je suis seule face à ça. Ça a vrillé en dedans. De là, j’ai pu réaliser qu’en effet il y avait beaucoup trop de souffrances à l’intérieur et que ce n’était plus possible. Je suis allée voir le roi des magiciens. Je ne tenais plus qu’au fil ténu de l’approche de ce soin.

Juste après, je pleure de sentir tant de douceur et de paix, de sentir pour de vrai mon corps, d’avoir un chez moi tout doux où je peux me lover. Ensuite c’est l’exaltation. Le feu d’artifice du dedans. De la joie qui éclabousse de partout ! 

Et le lendemain matin, ça prend consistance. Par ces compréhensions et cette sensation que oui mon corps est mon temple, que j’y suis en sécurité, que je ne veux plus le fuir. Je l’habite et me nourris de tant de douceur et de paix, d’être juste là enivrée de vivre dans un corps sans souffrances. Je n’ai jamais connu une telle douceur. J’ai l’impression d’avoir retrouvé ma terre. Je ne la quitterai plus. Je ne la souillerai plus. Je l’honore de ma présence. 

Comme c’est bon de se lover à l’intérieur de soi, baignée de lumière.

 

 

D’autres compréhensions-intégrations suivront. 

La plus belle à cette petite chapelle perchée au sommet d’un piton rocheux  

« Je me redonne la légitimité d’être ce que je suis »

Phrase qui émerge pendant une méditation au coucher du soleil. 

Phrase bouleversante que j’intègre baignée de pleurs. 

Quelque chose lâche en dedans. J’ai la sensation de reprendre mon souffle, de sortir d’une longue apnée avec moi-même. Je me sens de nouveau profondément reliée à tout ce qui est.

Le lendemain commence un stage sur la sagesse de l’utérus. Je suis là pour rouvrir cet espace. Il y a un premier temps au tambour, accompagné de mouvements du bassin pour libérer les mémoires engrammées à l’intérieur. Une détresse est là, ainsi qu’un cri qui ne sort pas. Je pose ça dans le cercle de parole. La femme qui guide me dit qu’elles seront toutes là le moment venu. 

L’après-midi, pendant la seconde session au tambour, la détresse revient. 

Elle vient direct. 

Me regarde droit dans les yeux.

Prends ma main et est là pour moi. 

Pour la première fois, il y a quelqu’une qui est complètement là pour moi. Ça a été un cadeau inestimable. Le cri sort. Je me tords dans tous les sens jusqu’à l’épuisement. Sa main, son regard m’auront maintenue ici avec elle, avec moi. 

Le soir, je vais à la rencontre de ma yoni par mon attention, ma présence. Je découvre un espace lumineux avec cette sensation qu’elle est un tissage de lumière dont les fils sont toutes les mains, chevelures, ventres de toutes les femmes depuis la nuit des temps. 

Magnifique de puissance douce. 

Etre une par mon ventre avec toutes les femmes. 

A un autre moment, en allant dans mon utérus, ce sera la mort que je trouverai.  L’ombre et la lumière si proche à chaque instant…

Pendant le cercle de clôture, une femme pose ces mots 

« J’ai oublié la vérité de ma yoni. » 

Cette phrase ira droit à mon cœur. D’abord dans un élan de compassion envers toutes les femmes dont c’est la réalité. Puis quand c’est à mon tour de parler, en pleurs abondants. Elles viennent toutes m’entourer. 

Une peur immense est là. 

Je me sens chuter dans un gouffre. 

« Parle. Regarde-moi. »

J’ai l’impression de ne plus savoir parler. Les quelques mots qui sortent me demandent tellement qu’ils me ramènent là avec elles. Après, remontent des images de séquestrations, de viols à répétition, de tortures… C’est ce qu’à vécu la femme dans sa geôle dans cette autre vie. J’ai de nouveau cette image d’elle, seule, attachée dans ce cachot d’obscurité. Pour la première fois, j’ai l’élan d’aller vers elle, de la sortir de là, de prendre soin d’elle, de la considérer. C’est ce que je fais, un peu rapidement, pour pouvoir poser quelques mots avant la fin du cercle.

Le lendemain, je prends un vrai temps pour elle. A la libérer de toute cette souffrance, en la reconnaissant dans son vécu, en lui changeant sa réalité. 

Elle me raconte son histoire 

« J’ai été conçue et élevée pour devenir la prêtresse d’une consoeurie. Jusqu’à ce que la consoeurie soit condamnée et nous avec. Ma nourrice se sacrifie à ma place pour nous donner une chance de nous échapper. Nous décidons de toutes fuir séparément. Un amour immense est là avec l’une des sœurs. Il nous est impossible de nous séparer alors nous fuyons ensemble. Nous serons rattrapées et séquestrées ensemble. Il m’est intolérable de la voir violer. Je supplie à chaque fois de prendre sa place. Elle mourut rapidement. Moi j’ai tenu. C’était ma manière de me châtier. »

De là est née, entre autres, ce besoin viscéral de prendre sur moi la souffrance des autres. Je sens que cette part de moi est guérie. Que les souffrances de cette vie-là sont libérées.

 

 

Ça faisait quelque temps qu’un tambour de médecine m’appelait. Je suis allée le chercher en Bretagne. Je le consacre devant l’océan. Puis commence à jouer. Émerge, à  un moment, une petite voix en dedans qui dit :

 «  J’appelle les forces obscures. »

Elle revient. Je fini par arrêter troublée par ces mots qui ne m’appartiennent pas. 

 

 

 

Il y a quelque chose en dedans 

qui se fuit 

et qui cherche en même temps

 

Une éraflure 

à fleur de l’être 

cachotière de mystères inavouables

 

Le silence oppressant 

dans l’attente de l’éruption 

Envoutante

 

Calme déni 

avant la plongée

 

 

 

Je le reprendrais sur le chemin du retour. C’est le coucher du soleil. Je suis au sommet d’un piton rocheux où a été bâtie une petite chapelle. Je renouvelle mon intention que ce tambour serve la lumière et l’amour. Le rythme nait. Je touche un espace de puissance qui se referme aussitôt. S’ensuit des visions d’une autre vie, antérieure à la dernière visitée. Je vois une femme tellement soumise à sa soif de puissance et à son besoin de reconnaissance qu’elle en commet des atrocités innommables jusqu’à la plus immonde de toutes qui la ramena à la réalité de ces actes. Il en naquit un dégout et une répulsion pour elle-même qui la mena à la folie et à l’autodestruction. Il s’inscrit en elle l’intention de ne plus rien recevoir car elle a déjà trop pris et de se donner pour tenter de se racheter. Je ressors de ces visions avec cette aversion très présente.

Heureusement le surlendemain, j’ai un stage en bioénergie dont le thème est l’alchimie interne. Un process de transformation sacrément efficace :

L’œuvre au noir : mise à la terre de ce qui nous charge et limite. 

En l’occurrence un gros besoin de me fracasser la tête contre les rochers.

L’œuvre au blanc : aller connecter la lumière

L’œuvre au rouge : intégrer cette lumière

Plus on libère l’espace pendant l’œuvre au noir, plus les deux autres ont l’espace pour se réaliser. Magnifique processus qui se manifeste spontanément à différentes échelles dans notre quotidien. De le faire en conscience décuple l’efficacité et les possibles de transformation…

A la fin du stage, je me sens libérée de cette sensation-envie très forte d’autodestruction et de répulsion.

Je sens, la semaine suivante, un nouvel espace de liberté et de puissance dans ma danse, dans mon tai-chi. 

Petites pépites glanées sur le chemin…

 

Quelques jours plus tard, à la suite d’un événement anodin, se réveille une peur viscéral des hommes. Je vois que la stabilité et la sécurité intérieure touchées ces derniers temps ont volé en éclats. Je découvre aussi que cette peur en révèle plein d’autres à des endroits où avant je n’avais pas peur. Je me rends compte que la peur, une fois qu’elle est là, se distille partout. Et que ça demande de la conscience pour désamorcer le process en ne rentrant pas dans son jeu, en ne s’y identifiant pas.

J’ai besoin d’un soin.

Heureux hasard, une amie somatopathe passe me voir. Il émerge du soin une grosse colère contenue par peur de perdre le lien avec l’un de mes parents. Beaucoup de colère sortira ensuite envers une forme floue et grise. Se réveille en dedans une panthère qui a besoin de lacérer à coups de griffes et de crocs. 

Très étonnante comme sensation !

 

 

 

Panthère

je m’élance 

 

Je pourlèche le feu 

avivé

dans mon ventre 

 

J’aiguise la griffe 

de la révolte 

 

J’affute mes sens 

sur vos désirs inavoués 

 

Je les refléterai 

à vive 

incisive

 

Miroir tranchant 

Éclat du dedans

 

 

 

 

Un matin je reçois un message vocal de la chamane. Ça dégouline de manipulation. Ça rallume la colère. La manipulation, ça me ramène à mon père. Je vais voir. Je découvre. 

Je lutte toute une journée contre l’évidence. Je finis par accepter. Maintenant la colère a une cible claire. Je laisse sortir dans la bulle. Je touche un endroit de répulsion. Je perçois que ça fait écho à la mémoire de cette autre vie. Je ne me sens pas d’aller voir plus loin toute seule. Je prends rendez-vous avec le roi des magiciens. Je souhaite, entre autres, changer radicalement ma relation aux hommes. Sortir du scénario où, invariablement, je reçois du dénigrement pour ce que j’ai de plus précieux, pour ce que je suis. Je souhaite aimer et être aimer simplement dans toute sa pureté. Il me propose de me relier plus à ma lumière et m’offre la pépite de la présence. Présence bienveillante qui voit, accueille, et s’il y a ni identification ni réaction, libère et transforme le pire en paix.

Ça sonne juste en dedans. 

Je reçois. 

Je verrai bien comment ça se déploie.

 

Je vais passer quelques jours à  la chapelle aux miracles. Le soir, je prends mon tambour et monte au sommet en posant l’intention de réunir toutes les parties lumineuses de mon être qui ont été écrasées, reniées. 

Le tambour pulse. 

Les mots viennent, appellent la puissance, la force d’amour, l’innocence… 

Mes yeux sont rivés dans le soleil où dansent l’ombre et  la lumière. 

Cette force d’amour qui m’appelle et  que j’appelle. 

Cette force d’amour qui transcende l’ombre et la lumière en les mariant. 

Cette force d’amour est là en plein. 

Je la reçois. 

Je l’accueille. 

Je lui crée de l’espace en dedans. 

Puis le tambour se tourne vers la terre.

Je sens une puissance dense qui monte et m’irrigue porté par le souffle du dragon.

Ça se marie à l’intérieur. 

Ça s’alchimise. 

Et  enfin ça se pose. 

Le tambour se tait.

Le soleil s’est couché.

Je contemple la beauté.

 

Des prises de conscience émergeront les jours suivant. Je découvre cette part de moi qui est pur amour mais qui se rejette elle-même par peur de l’amour. L’amour humain est trop incertain. D’un coup cette force d’amour est là et m’imprègne de toute sa bienveillance. Je peux avoir confiance en cet amour-là. Je peux m’ouvrir à lui en tout sécurité. La peur se dissout…

Je vois aussi à quel point je contiens mon feu. Le dernier jour, je monte faire une œuvre alchimique. L’intention est de libérer ce qui me pousse à contenir. Je me retrouve face à un bout de mon être reclus au fond du fond de mon dedans, toute quignée, toute recroquevillée. Là, elle se sent en sécurité. Elle a peur d’être libre. Elle a peur de l’inconnu. Elle a peur que ce soit encore pire. Je la rassure. Trouve le chemin pour lui redonner confiance. Elle finit par accepter de venir voir la beauté du monde. Ensuite, elle verra ce qu’elle décide. Elle est subjuguée par ce qu’elle découvre. Elle fait le pas.

 

 

Je m’aperçois aussi que quand je suis touchée par un homme, il y a une part de moi qui bascule dans le besoin de plaire, d’être reconnue et aimer. Et une autre qui a peur et fuit le désir, autant celui de l’homme que le mien, qui pourrait en découler. Comme si, en moi, le désir au lieu d’exalter l’amour, s’était mêlé à lui pour le souiller et le dénaturer. Reflet de ce qui s’est joué avec mon père où pour préserver l’amour et le lien avec lui, j’ai accepté un désir qui m’a détruite.

Je pose ces mots à l’être avec qui ça résonne si profondément. Le miracle des mots qui ouvre les possibles. Il m’offre la pépite de cet amour pur, dénué d’attentes, dans la sincérité de nos présences. Ça m’est difficile de le recevoir. Je suis comme gênée d’être mise en lumière. J’accueille et reçois ce que je peux.

Au moment de se quitter, je sens l’accroche de ma petite fille qui vient révéler l’énorme manque d’amour et tout ce qu’elle a sacrifié pour préserver le lien avec son père. 

Ce que j’ai reçu, je le lui donne. 

Je distille et savoure ce lac immuable d’amour qu’il a déposé en dedans. 

Le gouffre se comble. 

Je m’accueille dans la possibilité d’être aimée.

 

 

J’en arrive au plus difficile. A ces mots qui me hantent, que je ne voulais pas poser pour ne pas te nuire. C’est toi-même, papa, qui un jour m’a dit qu’un écrivain se devait de tout dire, d’assumer les mots qui jaillissent. Aujourd’hui, je découvre que c’est la peur que tu me rejettes et de perdre ce lien qui me faisait éviter de dire ces mots. Cette même peur qui, à quatre ans, m’a fait accepter l’inacceptable.

Je t’aime et te respecte toujours autant. Je sais que ce que j’ai subi, tu l’as subi aussi au même âge. Qu’inconsciemment tu as reproduit le même scenario pour aussitôt l’oublier complètement. C’est un moyen pour l’inconscient de mettre en lumière ce qui a été vécu. D’où l’intérêt d’aller y voir avant d’en arriver à de tels actes.

Je l’avais dis à maman « Si c’est ça la vie, je préfère mourir… » 

Intriguant ces mots dans la bouche d’une enfant de quatre ans. 

Ça l’a intrigué. 

Mais elle a occulté les réponses. 

Je suis restée seule avec ça. 

Alors j’ai tout refoulé derrière un gros mur blanc dans ma mémoire. 

Celui qui avait resurgi l’été dernier et  où je n’avais vu que cette bribe de tes mots «  Sois une gentille petite fille » 

Accompagné de cette sensation d’être rognée de l’intérieur et  de cette peur démesurée. 

Il manquait le reste 

« Laisse-toi faire. C’est pour ton bien. C’est pour t’éduquer. »

Un adulte n’a pas à éduquer une enfant à sa sexualité. Mais ça tu le sais. Je sais que tu n’aurais pas pu faire ça consciemment. Je sais aussi que j’avais à vivre ça. Ce sont les conséquences de cette autre vie où j’ai moi-même commis des abominations qui a ancré ce dégout-répulsion pour moi-même et qui est venu se rejouer là. 

J’accepte.

J’assume.

 

Ça s’est libéré par cette présence qui, de plus en plus, s’incarne. 

Quelle merveille cette pépite :

Etre en présence.

Laisser émerger ce qui est là. 

Le voir. 

Le reconnaitre. 

Le sentir se dissoudre doucement.

D’abord la colère, puis tristesse et de nouveau la colère. Viens la fuite qui cache le dégout, la répulsion. De nouveau la fuite qui cherche à éviter la peur immense. Ensuite arrivent ces mots qui veulent sortir entrainant la peur de nouveau. 

Et enfin la paix baignée de cette présence.

Magnifique cette plongée accompagnée de cette présence douce et bienveillante où chaque émotion est accueillie. Et s’il n’y a ni réaction, ni identification se libère et passe à la suivante. Nous entrainant de plus en plus profondément en nous-mêmes…

 

C’est beau de sentir l’évolution de cette présence au fil du temps. 

D’abord son absence. 

J’entrais en réaction avec les événements. 

Je m’engouffrais dans mon gouffre. 

Puis, petit à petit, la conscience grandit, devient de plus en plus témoin de ce qui se joue jusqu’à ce qu’elle soit là en plein. 

L’émotion, elle, passe sans créer de remous à l’intérieur.

Là je me sens dans ma vérité. 

Il y a la justesse de la verticalité et la confiance en ce qui est. 

L’amour peut s’intégrer doucement. 

Devenir présence.

 

 

Le roi des magiciens me l’avait dit  « Il y a un endroit qui résiste. »

Je le découvrirais après une méditation où je pose l’intention de faire la paix avec les hommes. Quelques heures après, je bouillonne en dedans ! Une colère haineuse envers les hommes est là. Je la laisse sortir dans la bulle. Beaucoup sort mais pas une once de larmes libératrices. D’un coup, je me rends compte que c’est un puits sans fond et qu’elle ne me libère en rien. 

Ça se calme. 

Alors, une voix émerge dedans :

« Je ne leur donnerai pas une larme. Je ne serai pas vulnérable face à eux ! »

Ça tombe bien je suis à la chapelle aux miracles. Je décide de monter faire une œuvre alchimique. 

Commence l’œuvre au noir. 

Direct ça lâche, ça pleure : 

« J’ai juste envie d’être aimée. Je rends les armes. Je ne veux plus me battre. »

Et je vois cette femme, qui a tenu envers et contre tout depuis je ne sais combien de vie, se mettre nue face aux hommes et dire : 

« Je viens nue face à vous. Je viens dans toute ma vulnérabilité déposer les armes. Je vous pardonne toutes les atrocités et je vous demande pardon pour celles que je vous ai faites… »

 

 

 

 

Sur les falaises 

s’estompent les fadaises 

de la croyance de ce que je suis 

derrière les voiles de qui j’étais

 

J’abolis les barrières 

érigées

entre toi et moi

 

Je ne suis plus en guerre 

face à toi

 

Le feu devient soleil

Le tranchant caresses

La panthère ronronne 

s’apaise des chimères passées 

libère ses aises

 

Mets-toi à l’aise

Tu es le bienvenu dans mon royaume

 

 

Le lendemain, une amie me donne un soin au tambour. A un moment, je sens que j’ai à aller chercher quelque chose. Et puis ça devient évident « ma lumière » m’appelle. Je me retrouve face à une très belle femme lumineuse dans une grande pièce vide. Elle attend là depuis qu’elle y est enfermée pour être préservée… La partie de mon être qui est venu la chercher se sent souillée et indigne de sa lumière. Un amour profond émane de la très belle femme qui se reconnait dans l’autre. L’une est lumière et amour, l’autre est puissance et force. Les deux facettes d’un même être qui ont besoin l’une de l’autre pour être pleinement… 

D’un coup, je ne sens plus mes jambes. Je comprends que ma puissance était comme atrophiée du fait que j’étais coupée de toute cette partie de mon être. Petit à petit, une nouvelle force les irrigue. Je perçois la force de mes lignées comme un soutien puissant sur lequel je peux m’appuyer et me redresser. Mon lien à la terre se renforce encore un peu plus.

 

S’ensuit une retraite vipassana, de quelques jours, consacrés à metta, à l’amour. D’abord renforcer l’attention, puis c’est l’amour pour soi et enfin pour tous les êtres sous toutes les formes. Lors de la première méditation où je m’envoie du metta, je vais visiter une douleur dans mon dos. Soudain, je sens énergétiquement tout mon côté gauche complètement vrillé et en souffrance. C’est très sombre et dense. J’essaye de lui donner de l’amour mais ça crée comme une lutte de forces. Jusqu’à ce que je réalise que cet espace de souffrance est aussi de l’amour et qu’il n’y a pas à vouloir le transformer en amour mais juste à l’accueillir pour ce qu’il est… 

Tout s’arrête. 

Je me retrouve comme hors du corps et,  en même temps, pleinement relié à lui par la respiration. Les douleurs sont toujours là comme lointaines. Tout semble lointain en fait, à part  ma conscience qui est très lucide et claire. 

Le lendemain, je me sens complètement à côté de moi-même. J’interroge la personne qui guide la session. Il me répond que je n’ai jamais été autant alignée et  que c’est ce réajustement qui me donne l’impression d’être de travers… En effet, peu de temps après je me retrouve dans ma pleine verticalité. 

Un peu plus tard, je n’arrive plus à me relier à l’énergie d’amour. Je sens une brèche en dedans vers un espace qui reste hermétique à l’amour, qui n’arrive pas à recevoir. Je vais voir avec tout mon amour « Reçois. Je t’en prie, reçois… » 

Ça s’ouvre. Ça s’adoucit. Ça reçoit enfin… 

Encore un peu d’espace qui se déploie… 

Pendant toute la retraite mon côté gauche n’aura été que douleur entrainant plein de petites guérisons dans ce souhait d’harmoniser et d’unifier ces deux parties de mon corps, de mon être. Jusqu’à cette compréhension, toujours la même mais qui est si difficile à appliquer à chaque instant : être avec ce qui est là sans vouloir y transformer. J’accueille l’aversion de plus en plus forte pour mon corps en souffrance. L’aversion passe. Puis vient d’autres empêchements comme pour tester la présence, une petite pointe d’ennui, de doute, aversion de nouveau… 

Je finis dans un gros fou rire face à ces impermanences qui se dissolvent aussi vite qu’elles apparaissent. Je perçois qu’il y a une pépite derrière ça. 

Je laisse venir. 

La saveur de l’immuable énergie d’amour et de joie qui est là derrière l’impermanence, à chaque instant offerte… 

Où suis-je ? 

Avec les impermanences ou dans l’Immuable ?

 

Je monte quelques jours à la chapelle aux miracles intégrer tout ça. J’ai vu pendant vipassana comment être en souffrance pouvait être un moyen pour recevoir de l’attention et du soin. Néanmoins, je sens qu’il reste un autre endroit qui s’accroche aux souffrances. Je réalise qu’à partir du premier pas posé sur le chemin pour me libérer d’elles, j’ai commencé à m’identifier à ce chemin, aux expériences de transformation, à l’être que je pourrais être sans tout ce qui le limite. En cela, j’ai donné corps à mon égo spirituel qui a besoin pour exister des souffrances et de ce chemin de libération… 

Ça fait comme un grand vide en dedans. 

Quelques heures plus tard, je pars en un fou rire irrépressible quand, petit à petit, émerge l’immensité de l’illusion. Le vertigineux de tout ce qui s’est construit sur ces chimères… Le soir assise sous les étoiles, je me délecte de tant de grâce et de beauté. Je repars en grands éclats de rire. Je sens tous les endroits qui ont tenu depuis si longtemps, qui ont cru à toutes ces vicissitudes, lâcher, un peu plus, à chaque nouveau rire. 

Une grosse incompréhension nait en moi, de pourquoi toutes ces souffrances ? En dedans, ça me dit « Il y a toujours eu en l’humain les germes de la souffrance, à cause de l’avidité et du pouvoir, sans qu’elles ne prennent le dessus. C’est avec la sédentarisation et la culture qui a déployé la notion de possession et avec de domination, d’individualité… Ça a décuplé les souffrances de manière exponentielle. Il a fallu trouver des issues… »

Ça s’apaise en dedans. 

Ça se pose. 

Je sens que tout est là dans cet instant précieux 

Que le « vrai » chemin commence

Celui qui arrive de nulle part et qui mène nulle part

Celui d’être avec ce qui est là 

Simplement

Pleinement

Une étoile s’échappe du ciel 

s’ancre dans mon cœur

 

Puisse chaque être être libéré de toutes souffrances, heureux et en paix

 

 

 

 

Epilogue

 

 

J’ai eu à te poser ces mots 

pour défiger l’enfant recroquevillé 

ça a vrillé dans mon cerveau 

la peur a ressorti ces crocs 

m’a laissé en lambeau 

dissociée

j’ai fuit tout là-haut 

 

je t’ai posé ces mots 

incompréhension

reproches d’horreurs infondés 

l’oubli musèle l’être 

chacun.e sa réalité 

je ne renierais pas la mienne 

même si je reconnais la tienne 

dialogue

comment se comprendre quand on n’est pas au même endroit ? 

on essaye 

on prend soin comme on peut 

 

apathie

j’erre dans les limbes de l’être disparu

cherche à retrouver le corps

une certaine réalité

recouds les fragments décousus

sonde la confiance 

dépose l’insécurité 

par petites touches furtives

rencontre l’hécatombe dans mon ventre

sa rage

dissociation

intenable

trop instable

pour restaurer

je dessine mon ventre lacéré

lui fais face

le reconnais

l’apprivoise

l’aime

 

touche cet infime joyau 

perché tout là-haut

peur du corps

peur du dehors

vulnérabilité exacerbée

sensibilité frémissante

déconcertante

touchée

de toucher l’Immensité 

dans cet infime terrifié

le reconnais 

l’apprivoise

l’aime

retrace le passage du dedans au dehors 

du dehors au dedans

sans frontières

 

l’incompréhension persiste

on ne force pas les méandres de la mémoire

des larmes s’écoulent

elles me suffisent

me brûlent le cœur

d’amour pour toi

 

la douceur s’installe

je descends 

toujours plus bas dans mon antre

sens l’Immense au cœur de l’intime

le corps lambeau se dissout dans sa propre lumière

entre dans le dedans du dedans

être l’Immuable

témoin de sa propre lumière

qui illumine la nuit

 

 

 

Merci pour ces larmes papa

 

 

 

Par ce livre 

je remet mon histoire 

à l’Histoire 

fragment d’un grand tout 

qui ne m’appartient pas